Le dico financier millésime 2012

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Ces mots, expressions, acronymes et sigles ont fusé de toutes parts au cours des derniers mois et vous les aurez sous les yeux en 2012 aussi ! Pour décrypter sans se tromper…

La BCE doit-elle sortir son bazooka et lancer un véritable QE, à l’image de la Fed ? Car le haircut imposé sur la dette grecque a entraîné d’énormes spreads sur les obligations des autres pays PIGS. La solvabilité des banques est dès lors en question, au point qu’on évoque la nécessité de créer de nouvelles bad banks… Vous n’avez pas tout saisi ? Le dico financier ci-dessous, qui n’est évidemment pas exhaustif, va vous éclairer.

A

Actif toxique. Se dit d’un actif financier, tel un crédit ou un produit structuré, dont la valeur a dégringolé car il présentait un risque sous-estimé au départ. Un cas exemplaire, à l’origine de la crise financière de 2008 : les subprimes. Ces prêts hypothécaires furent octroyés à des citoyens américains déjà fragiles. Mais la chute des prix du logement et la crise économique ont souvent acculé ces derniers au défaut de paiement.

B

Bad bank. Digne d’un western, l’expression renvoie à un mécanisme permettant de sauver une banque se trouvant en difficulté à cause de ses actifs toxiques. Ceux-ci sont isolés dans une structure juridique distincte, la “mauvaise banque” (aussi appelée structure de défaisance), dont les pouvoirs publics sont souvent actionnaires. C’est la formule qui fut adoptée en 2008 déjà pour Fortis, avec constitution d’une société spécifique appelée Royal Park. Dexia a suivi en 2011. Ce mécanisme offre un nouveau départ à la banque, qui aura à nouveau accès au crédit.

Bazooka. La BCE achète régulièrement des obligations émises par les Etats plus fragiles de la zone euro pour soutenir les cours, c’est-à-dire limiter la hausse des taux. Il a beaucoup été question ces derniers mois d’achats beaucoup plus massifs, ce qui s’est souvent traduit par l’expression “La BCE devrait sortir son bazooka”.

Big bazooka. Variante plus musclée de la précédente, l’expression désigne également des achats massifs d’obligations souveraines, mais par le biais d’un organisme ou fonds spécifique. Jusqu’ici, les pays de la zone euro qui bénéficient d’un financement de secours sont la Grèce, le Portugal et l’Irlande. La Grèce est soutenue par un programme de prêts consentis par les autres pays de la zone euro et le FMI. Le Portugal et l’Irlande empruntent à un fonds créé par les pays de l’euro, l’ EFSF, qui se finance sur les marchés avec la garantie des pays actionnaires. Sa limite d’intervention de 440 milliards d’euros est suffisante pour ces petits pays, mais serait trop faible pour l’Italie ou l’Espagne. Pour ces pays, il faudrait disposer d’un organisme beaucoup plus costaud (disposant de 1.000 ou même 2.000 milliards d’euros), parfois qualifié de big bazooka.

C

Collatéral. Nom donné aux valeurs déposées en garantie d’un emprunt. Pour obtenir des liquidités auprès de la BCE, les banques doivent ainsi déposer des titres, obligations d’Etat en particulier. Les banques doivent faire de même lorsqu’elles opèrent sur certains marchés de produits dérivés, de matières premières, etc., hautement spéculatifs et à fort effet de levier.

D

Déficit public. Un déficit est le résultat de dépenses supérieures aux recettes sur une période d’un an. Appliqué à un Etat, il s’appelle déficit public et est souvent exprimé en pour cent du PIB (sauf aux Etats-Unis notamment). Ceci permet de mesurer son importance par rapport aux ressources du pays et autorise des comparaisons entre pays, ainsi qu’au fil du temps pour un même pays. Le Pacte européen de stabilité et de croissance définit ainsi un déficit de maximum 3 % du PIB… que presque tous les pays dépassent, et parfois allègrement, depuis la crise. La Belgique est presque vertueuse sur ce plan, avec un déficit de -4,1 % du PIB en 2010, contre -6,2 % en moyenne dans la zone euro et -6,6 % pour l’Europe des 27. L’objectif belge est d’arriver à -2,8 % en 2012, -1,8 % en 2013 et -0,8 % en 2014, avant de dégager un petit excédent de 0,2 % en 2015.

L’Europe mesure le déficit en termes consolidés. Il ne s’agit donc pas seulement des pouvoirs centraux (ou fédéraux) d’un Etat, mais également des entités régionales et locales, jusqu’aux communes. On y inclut aussi les parastataux et autres entreprises publiques, soit la RTBF, la STIB, les TEC ou encore la SNCB pour la Belgique. Ainsi que les institutions dont les recettes sont essentiellement publiques, telles les universités.

Dette publique. Nom donné à la dette d’un Etat. Creusée par les déficits annuels, elle est la somme des emprunts contractés par les différents niveaux de pouvoirs : Etat central, entités fédérées, communes, etc. Elle est, en chiffres ronds, de 350 milliards d’euros pour la Belgique, soit près de 100 % du PIB. La dette est financée par l’émission d’emprunts tels qu’obligations et bons d’Etat, mais aussi billets de Trésorerie et autres emprunts à court terme, plus importants aujourd’hui que naguère. Pour la création de l’euro, les pays de la zone ont accepté, à travers le Pacte de stabilité et de croissance, de limiter leur dette publique consolidée à 60 % du PIB, plafond que généralement ils dépassent : la Belgique frôle les 100 %, l’Allemagne, les 80 %. La moyenne est de l’ordre de 90 % en zone euro. Creusée par d’énormes déficits au cours des dernières années, la dette publique des Etats-Unis a récemment franchi la barre des 100 % du PIB. La comptabilité d’un Etat n’est pas comparable à celle des entreprises : elle est strictement annuelle. Ainsi les pensions, qui constituent un engagement pour les pouvoirs publics, ne sont pas considérées comme des dettes. Une entreprise privée les comptabiliserait sous forme de provision.

E

Effet de levier, ou multiplicateur. Désigne le fait d’investir dans des actifs valant beaucoup plus que la mise de fonds, grâce à un gros endettement. Avant la crise financière, nombre de banques avaient ainsi un multiplicateur de l’ordre de 25. Celui du fonds américain MF Global, déclaré en faillite le 31 octobre 2011, était de 34. L’effet de levier permet de multiplier ses gains : en période favorable, certains acteurs financiers dégagent de la sorte des rentabilités de plusieurs dizaines de pour cent. En période défavorable par contre, on boit facilement la tasse, comme on l’a vu avec MF Global. Avec un effet de levier de 34 en effet, une baisse de valeur de 3 % à peine des actifs signifie la perte totale de la mise de départ.

EFSF (European Facility Stability Fund). En français, Fonds européen de stabilité financière (FESF), encore appelé Fonds d’aide. L’Union européenne a mis en place ce fonds pour prêter de l’argent aux Etats de la zone euro qui n’arrivent plus à se financer sur les marchés. Il s’agit d’un mécanisme provisoire, qui finance actuellement l’Irlande et le Portugal, et qui peut prêter jusqu’à 440 milliards d’euros. Installé à Luxembourg, l’EFSF sera remplacé en 2012 par une institution permanente, l’ESM ( European Stability Mechanism). Il aura une capacité de financement de 500 milliards d’euros et sera un embryon de Fonds Monétaire européen. Ce dispositif, suffisant pour soutenir de petits pays comme le Portugal ou l’Irlande, ne pourrait vraisemblablement faire face à une crise aiguë qui s’abattrait sur l’Italie ou l’Espagne, d’où l’appel lancé par certains en faveur d’un big bazooka ou d’euro-obligations.

Euro-obligation. Historiquement, c’est le nom donné à une obligation émise par une entreprise ou un organisme, dans un pays autre que le sien et/ou dans une autre devise. Par exemple, une obligation émise en Europe et en mark, par un groupe américain. Le terme a trouvé une acception différente et très spécifique au cours des derniers mois. Pour venir en aide aux pays européens ayant des difficultés et ne pouvant plus guère émettre d’obligations (Grèce, Portugal, ou même Italie), certains ont proposé que ce soit l’Europe qui émette à leur place, suivant le principe de la mutualisation de la dette. Bénéficiant de la garantie solidaire des pays forts, ces euro-obligations bénéficieraient de taux beaucoup plus faibles. L’Allemagne, principale garante d’un tel système, s’y oppose toutefois farouchement. Elle craint de devoir payer un taux plus élevé en conséquence de son engagement et estime qu’une telle démarche sape la responsabilité des Etats à l’égard de leurs budgets. Un grand pas ayant été fait sur ce dernier point au sommet de Bruxelles du 9 décembre, certains estiment que tout espoir n’est pas perdu…

H

Haircut. Dans le monde de la finance, cette “coupe de cheveux” désigne la décote appliquée d’autorité à la valeur théorique (ou de marché) d’un actif donné en garantie pour un prêt, pour tenir compte du risque qu’il présente. La BCE applique ainsi un haircut, variable suivant leur nature, aux titres que les banques lui déposent en collatéral pour lui emprunter de l’argent. Au cours des derniers mois, le terme a surtout été utilisé pour désigner la partie d’un emprunt public qui ne serait pas remboursée. Pour permettre à la Grèce de s’en sortir, l’Europe avait instauré un haircut de 21 % sur la dette hellène, une proportion ensuite portée à 50 %.

L

Liquidité. Notion importante sur les marchés financiers : la liquidité d’un actif est la faculté de pouvoir l’acheter et le vendre facilement, parce qu’il fait l’objet de transactions nombreuses et régulières. Il est beaucoup question ces derniers mois, avec une bonne dose d’inquiétude, de la liquidité des banques. Le terme désigne alors le fait de disposer de liquidités pour rembourser ses dettes. Les banques prêtent et empruntent en effet sans cesse de gros montants à très court terme, en particulier entre elles. Une institution suscitant la méfiance n’obtiendra plus de prêts de ses pairs et aura alors un problème de liquidité. C’est ce qui a scellé le sort de Fortis en septembre 2008.

P

PIB. Produit intérieur brut. Total des richesses nettes produites en un an dans un pays par l’ensemble de ses acteurs économiques. A pris le relais du produit national brut (PNB) utilisé naguère, qui prenait également en compte les richesses produites par ce pays à l’étranger. Pour en prendre l’exacte mesure par rapport à la capacité économique du pays, le déficit budgétaire et la dette publique, notions particulièrement d’actualité ces dernières années, sont rapportés au PIB du pays en question.

PIGS. Concentrés pour l’essentiel dans le sud de l’Europe, les pays en difficultés financières furent souvent, en français, désignés sous le vocable Club Med. Plus irrespectueuse, la littérature anglophone a imaginé l’acronyme PIGS, pour Portugal, Italy, Greece et Spain. Parfois corrigé en PIIGS (en particulier du côté francophone, en réponse du berger à la bergère…) pour y inclure l’Irlande, un grand malade de la première heure.

Produits dérivés. Le terme dérivé s’entend au sens propre : il s’agit de produits financiers dérivés d’un autre, tels que les options sur action, ou encore les contrats à terme sur matières premières. Ces produits permettent de spéculer sur une variation de cours importante moyennant une mise limitée. Leur cours est dès lors beaucoup plus volatil que celui de la valeur sous-jacente.

Produits structurés. Ils sont aux produits financiers de base ce que la pâtisserie est à la farine, au beurre et au sucre : non seulement un mélange de plusieurs éléments, mais le plus souvent une construction élaborée avec ces éléments. Ces dernières années, les banques ont proposé de nombreux produits structurés aux investisseurs particuliers. Il s’agit souvent de fonds indexés sur un indice boursier, mais dont la baisse est limitée, tout comme la hausse (on ne peut pas tout avoir !), avec ou sans garantie pour le capital. Ces limitations et garanties sont obtenues par des mécanismes basés sur divers produits dérivés. En juin 2011, la FSMA, autorité de marché en Belgique, a demandé aux banques de renoncer à lancer des produits structurés trop complexes, incompréhensibles pour le commun des mortels. D’autant que, délibérément ou non, certains présentent des chances de gain dérisoires, comme l’a démontré le site d’analyse www.checkqualitylabel.com.

Q

Quantitative Easing (QE). Egalement qualifié de “politique monétaire non conventionnelle”, par opposition à la politique monétaire conventionnelle qui consiste, pour une banque centrale, à diminuer les taux d’intérêt pour soutenir l’économie. Ou à les augmenter pour prévenir une surchauffe. Le Quantitative Easing désigne l’achat massif, par la banque centrale, de titres tels qu’obligations de l’Etat ou créances hypothécaires. En soutenant les cours, ces achats abaissent les taux (ou les empêchent de grimper), ce qui favorise l’activité économique. Ayant déjà réduit ses taux au plancher, la banque centrale américaine a choisi cette voie à fin 2009 pour doper l’économie, en achetant pour 1.700 milliards de dollars de titres entre décembre 2008 et mars 2010. Un second programme de 600 milliards, aussitôt qualifié de QE2, fut mis en place entre novembre 2010 et juin 2011. La Banque d’Angleterre a emboîté le pas, dans une moindre mesure. Pressée d’en faire autant en automne 2011, la BCE s’y est jusqu’ici refusée ; l’Allemagne estime qu’une telle démarche lui est interdite.

R

Règle d’or. Récente marotte du président français Nicolas Sarkozy qui voulait la faire voter en été, avant qu’il ne perde sa majorité au Sénat. Il s’agit d’un mécanisme constitutionnel qui limite le déficit budgétaire et/ou le niveau de la dette publique. Les Etats-Unis en disposent, l’Allemagne aussi. Cette dernière prévoit d’arriver à l’équilibre, pour le fédéral, en 2016 et impose un déficit structurel (c’est-à-dire hors circonstances exceptionnelles) maximal de 0,35 % du PIB. Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont obtenu du Conseil européen des ministres le principe d’une règle budgétaire visant un déficit maximal de 0,5 %.

S

Solvabilité. Cette notion peut être considérée comme synonyme de solidité financière, car elle témoigne de la capacité à rembourser ses dettes. Lourdement endettée, en situation d’important déficit budgétaire et confrontée aux taux d’intérêt astronomiques qu’exige le marché, la Grèce est, depuis l’été 2011, considérée comme insolvable. D’où les haircuts décrétés sur sa dette. Depuis la faillite de Lehman le 15 septembre 2008, la solvabilité des banques est suivie de près. Mesure de l’importance de leurs fonds propres par rapport aux engagements pris, leur ratio de solvabilité est en passe d’être relevé, suivant les normes de Bâle 3 annoncées en décembre 2010, mais qui ne seront pleinement d’application qu’en 2019.

Spread. Ecart entre les taux d’intérêt affichés par deux produits financiers, essentiellement des obligations. Cette différence est une bonne mesure de la confiance ou défiance que suscite une entreprise, un secteur ou un Etat. Par exemple, l’écart entre les obligations émises par les banques et celles des autres entreprises est, au niveau mondial, passé de 0,7 % au début 2011 à 2,5 % en novembre, signe d’un malaise à l’égard du secteur bancaire. Pour les Etats, et au niveau européen, c’est la différence de rendement avec les obligations allemandes, les Bunds, qui est prise à témoin. Au point qu’on évoque souvent le spread sans autre précision. Le 25 novembre, le spread de la Belgique a dépassé 3,5 %, avec un taux supérieur à 5,8 % pour les obligations belges et inférieur à 2,3 % pour les Bunds. L’Etat belge était alors clairement dans le collimateur des investisseurs internationaux. Moins d’un mois plus tard, cet écart était revenu à 2,2 % environ. Cela reste très élevé dans une perspective historique : avant la crise financière, les taux obligataires des pays de la zone euro étaient très proches, le spread étant donc très réduit. Dans le jargon financier, le spread est mesuré en “points de base”, c’est-à-dire en centièmes de pour cent ; 3,5 % = 350 points de base.

Guy Legrand et Robert van Apeldoorn

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