Le Danemark a-t-il le droit d’acheter les données des Panama Papers ?

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Le Danemark a annoncé mercredi qu’il allait payer une source anonyme pour se procurer des données des “Panama Papers” sur des centaines de contribuables susceptibles d’avoir fraudé le fisc du royaume scandinave. Une pratique controversée.

Nous devons utiliser les mesures nécessaires pour attraper les coupables d’évasion fiscale cachant des fortunes par exemple au Panama en vue d’éviter l’impôt au Danemark“, a affirmé dans un communiqué le ministre de la Fiscalité, Karsten Lauritzen. Il a précisé que son administration avait reçu cet été une offre anonyme lui proposant d’acheter quelque 200 000 des 11,5 millions de fichiers subtilisés au cabinet d’avocat panaméen Mossack Fonseca, spécialisé dans la domiciliation de sociétés offshore.

Karsten Lauritzen a donc décidé de répondre favorablement à cette proposition, appuyé par les autres partis du Parlement, car ces documents contiennent “des informations pertinentes et valides sur plusieurs centaines de contribuables danois” (500 à 600, selon la radiotélévision danoise). “Nous le devons à tous [ceux] qui paient fidèlement leurs impôts”, a-t-il déclaré. Sans divulguer le montant exact qu’allait devoir débourser l’État danois, Lautitzen a précisé que celui-ci se situait entre 1 million et 10 millions de couronnes, soit 134 000 à 1,34 million d’euros.

Le mystérieux lanceur d’alerte en possession des fichiers originaux de Mossack Fonseca, se fait appeler “John Doe”, un nom fréquemment utilisé pour désigner une personne anonyme dans les administrations anglo-saxonnes. Il a transmis gratuitement l’ensemble du “leak” étalant le vaste système d’évasion fiscale provenant du cabinet d’affaires panaméen Mossack Fonseca au quotidien allemand Süddeutsche Zeitung. Avec comme résultat, la publication conjointe par les médias du monde entier des Panama Papers, coordonnée par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) au printemps 2016.

Le lanceur d’alerte anonyme a déjà proposé aux autorités fiscales allemandes, américaines et britanniques de lui acheter ses fichiers avec comme condition de sa coopération sa protection en tant que lanceur d’alerte. Le gouvernement français assure de son côté qu’il n’achètera pas les données, car la loi le lui interdit. Dans d’autres pays, selon Le Monde, les autorités ont engagé un bras de fer judiciaire pour forcer les médias partenaires de l’enquête à leur remettre les documents. C’est le cas notamment de la Finlande.

Des données illégales?

Cette démarche est une première au Danemark. Pour Torben Bagge, avocat et maître de conférence en droit à Aarhus, deux problèmes se posent. Le premier, c’est de savoir si les données obtenues sont exactes. “Nous ne pouvons pas être sûrs du résultat final, mais tout laisse penser que ce sont des renseignements utiles que l’administration fiscale danoise va maintenant traquer” ont déclaré de leur côté les autorités danoises pour justifier la transaction.

Le deuxième problème explique l’avocat à l’agence de presse Ritzau est d’ordre moral: en acquérant des données obtenues très probablement de manière illégale, le Danemark “contribue d’une manière ou d’une autre à des faits délictueux“.

En avril 2016, la publication des Panama Papers par les médias du monde entier avait mis à jour un vaste système d’évasion fiscale. Près de 11 millions de documents provenant du cabinet d’affaires panaméen Mossack Fonseca avaient fuité dans la presse et contribué à faire chuter le Premier ministre islandais, ainsi qu’un ministre espagnol.

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