Trends Tendances

Le Brexit et le syndrome “Hotel California”

La comparaison n’est peut-être pas de bon goût, mais on a rapproché l’Europe de cet hôtel californien. Un lieu où l’on entre parfois imprudemment et dont il est difficile, sinon impossible de sortir.

Qui n’a pas, roulant sousun joli soleil d’été, poussé le sonde son autoradio pour écouter les six minutes lancinantes d’ Hotel California ? Les paroles de ce tube planétairechanté par les Eagles en 1976ne relatent pas, comme on pourraitle croire, une histoire d’amour dansun hôtel de la côte ouest. Le morceau est bourré d’allusions à l’alcool,la marijuana, l’héroïne, et se réfèreen réalité à l’entrée dans un centrede désintoxication. La chansonse termine d’ailleurs par ces mots :” You can check out any time you like, But you can never leave ” (Vous pouvez régler la note quand vous voulez,Mais vous ne pourrez jamais partir).

Le Royaume-Uni l’apprenddepuis des mois à ses dépens, lui qui, après avoir voté le Brexit, ne parvient pas à briser son ” euro-dépendance “. Voici quelques jours, Theresa Maya embarqué le Royaume-Uni résolument sur la route d’un Brexit doux en proposant à l’Union européenne de créerune zone de libre circulation des biens (industriels et agricoles) et de sesoumettre, pour ce marché commun des biens, aux règles européennes voire même aux décisions de justice européennes. Pour des raisons de purepolitique intérieure, les partisansd’un Brexit dur (David Davis et Boris Johnson entre autres) ont claquéla porte du gouvernement.Mais si un message devait passeren Europe, c’est celui d’un soutienà la politique de Theresa May.

Elle avance en effet la seule proposition valable, celle qui permet d’éviter de reconstituer une frontière matérielle entre l’Eire et l’Irlande du Nord, de réduire le casse-têteaux frontières et dans les ports qu’aurait constitué un hard Brexit et de ne pas casser l’industrie britannique qui souffre déjà de graves problèmes de productivité. Déjà, les incertitudes liéesau Brexit ont créé un contexte de stagflation délétère, en réduisant de moitié la croissance britannique tout en abaissant le cours de la livre sterling et donc en ravivant l’inflation importée.

Il n’y a pas de réelle alternative à un Brexit doux. Dans un monde où les relations commerciales sont de plus en plus imbriquées, on ne peut pas faire cavalier seul.

Theresa May, en essayantde forcer un accord le week-enddernier, nourrit l’espoir d’engagerle Royaume-Uni sur la voie de la Norvège, en proposant de maintenir encore quelques solides liens commerciaux avec l’Europe même si dans le domaine le plus important, celui des services,et plus spécialement des servicesfinanciers, la rupture semble consommée. La place de Paris vient par exemple d’attirer Blackrock et Citigroupqui vont installer dans la capitalefrançaise leurs activités de ” gestion alternative “. Francfort et même Bruxelles ont également attiré d’autres activités financières.

On sait aussi que les négociateurs européens sont trèsréticents à accorder au Royaume-Uniun ” marché commun à la carte ” :la position a toujours été de lierla libre circulation des biens à celledes personnes, des services etdes capitaux. Les trois pays de l’espace économique européen (la Norvège,le Liechtenstein et l’Islande)dont les relations avec l’Unioneuropéenne serviraient de modèleà Theresa May, se plient globalementà cette règle. Ils ont égalementtrès peu à dire sur les règles qui régissent cet espace et doivent en outreverser une contribution non négligeable au budget européen. De quoi donnerde l’urticaire aux Britanniquesqui ont voté pour la sortie de l’Union parce qu’elle n’instaurerait pas assezde limites à l’immigration, parcequ’elle saperait la souverainetébritannique et parce qu’elle coûterait trop cher.

Mais il n’y a pas de réellealternative à un Brexit doux.Dans un monde où les relationscommerciales sont de plus en plus imbriquées, on ne peut pas fairecavalier seul. ” You can never leave. “Du côté des négociateurs européens,il est donc temps d’être un peu plus flexibles. Car, finalement, ce qui déforce le Royaume-Uni ne nous renforcepas non plus.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content