La zone euro sauvée à court terme

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Jean-François Jamet, Professeur d’économie politique de l’Union européenne à Science Po, tire les leçons de l’accord conclu au sommet de Bruxelles pour résoudre la crise de la dette. Interview .

La zone euro a mis jeudi sur la table un nouveau plan d’aide de près de 160 milliards d’euros pour sauver la Grèce et empêcher une contagion de la crise de la dette aux autres pays fragiles de la zone euro. Il prévoit une participation du secteur privé pouvant éventuellement déboucher sur un défaut de paiement sélectif et temporaire de la Grèce. Il dote enfin le Fonds européen de stabilité financière de nouvelles capacités d’intervention, amorce, selon Nicolas Sarkozy, d’un Fonds monétaire européen. Le décryptage de Jean-François Jamet, Professeur d’économie politique de l’Union européenne à Science Po.

Alors, la Grèce et plus globalement la zone euro sont sauvées ?
A court terme, oui sans aucun doute. Le message essentiel qu’on peut lire à travers les mesures annoncées est le suivant : on continue à financer la Grèce, avec plus de moyens, des taux d’intérêt plus bas et sur une durée plus longue. Plus en détails. Les prêts consentis, via le fond de stabilité vont lui donner un vrai bol d’air financier. D’abord une nouvelle aide va lui être accordée en supplément des 110 milliards d’euros octroyés sur trois ans. Ensuite, le taux d’intérêt passera de 4,5 % à 3,5% , ce qui diminuera la charge de sa dette. Enfin, L’Europe lui donne plus de temps pour rembourser, puisque elle compte porter de 7 ans et demi à 15 ans au minimum, la durée de ses prêts. Mais les Etats membres ne sont pas les seuls contributeurs. Les créanciers privés, c’est-à-dire, les banques, les assurances et les fonds de pension vont eux- aussi mettre la main à la poche, en acceptant d’échelonner les remboursements ou en se faisant racheter leurs créances à prix moindre que celui auquel ils ont acquis les obligations d’Etat.

Mais cela sous-entend que les créanciers renoncent à une partie des sommes qui leur sont dues. C’est ce que les agences de notation considèrent comme un défaut de paiement sélectif ?
Effectivement. Mais les Etats membres ont anticipé cette possibilité. C’est pourquoi ils ont parallèlement renforcé le pouvoir de la Facilité européenne de stabilité financière (FESF), ce fonds de secours de la zone euro mis en place en 2010, en lui donnant la possibilité de recapitaliser les banques. Une intervention jusqu’alors impossible. Un moyen d’éviter une crise bancaire européenne. D’autant que la FESF peut aussi racheter les créances douteuses acquises par la Banque centrale européenne. Ce qui lui permettra d’accroître sa crédibilité.

Si à court terme vous êtes soulagé, vous semblez sceptique à plus long terme ? Tout à fait. A court terme, les Etats membres ont sauvé la zone euro. Il n’y a aucun doute. Mais à plus long terme, il faudra que l’Europe investisse massivement pour créer de la croissance afin de sauver ces pays malades de leurs dettes. Tout tentative d’assainissement sans un plan Marshall ambitieux, évoqué d’ailleurs dans le projet, renverrait la Grèce et les autres pays à la case départ. Et puis, il faut que l’Europe se dote d’un vrai gouvernement économique. Lui seul serait à même à trouver des solutions aux crises. Le balai diplomatique auquel on assiste depuis des mois, impuissant devant l’ampleur de la crise, prouve que l’Europe a besoin d’un système fédéral. Au risque de disparaître.

Danièle Licata, Lexpansion.com

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