La Wallonie et la Flandre sont inséparables, la preuve

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Quand on investit 100 euros en Wallonie, cela génère 36 euros supplémentaires en Flandre et 24 à Bruxelles, par le jeu des fournisseurs et des sous-traitants. Une étude wallonne met en lumière les impressionnantes interconnexions dans une économie toujours très belge.

“Nous vivons dans deux démocraties”, martèle fréquemment le président de la N-VA, Bart De Wever, pour affirmer ses ambitions séparatistes. Peut-être. Mais nous vivons dans une seule économie. Le récent rapport sur l’économie wallonne réalisé par l’IWEPS (Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique), de la Sogepa (outil régional de financement des entreprises “en redéploiement “) et de l’administration régionale étale au grand jour l’incroyable enchevêtrement économique entre les trois régions du pays. Les chercheurs ont notamment décortiqué les effets multiplicateurs des investissements, générés par le recours à des fournisseurs, des prestataires de services et des sous-traitants, installés dans les différentes régions. “C’est la première fois que les chaînes de valeurs sont ainsi comptabilisées jusqu’au bout. Et le résultat est quand même surprenant, concède Benoît Bayenet, économiste à l’ULB et coordinateur de cette étude en tant que vice-président de la Sogepa. Nous savions que nous vivions dans une économie très intégrée mais nous ne savions pas que les tissus régionaux étaient à ce point interconnectés.”

Illustration chiffrée : 100 euros dépensés en Wallonie généreront en moyenne 36 euros supplémentaires en Flandre et 24 euros à Bruxelles, d’après les calculs repris dans cette étude. Une Wallonie qui patine, c’est dès lors très dommageable pour l’économie flamande. Mais, direz-vous, avec de telles interactions, comment la Wallonie n’a-t-elle pas réussi à accrocher le train de la croissance flamande ? Tout simplement parce que les interactions sont nettement plus faibles dans l’autre sens : 100 euros dépensés en Flandre n’en génèrent que 9 en Wallonie et 19 à Bruxelles. Cette divergence d’intensité dans les flux s’explique par la taille des économies, par des positionnements sectoriels mais sans doute aussi par une forme de patriotisme économique, plus présent au nord du pays. L’entrepreneur wallon ne cherche pas spécialement à se fournir dans sa propre région.

“L’un des grands enseignements de cette étude est qu’il faut arrêter de vouloir que la Wallonie rattrape le PIB par habitant de la Flandre, analyse Benoît Bayenet. Si nous accélérons, la Flandre accélérera aussi. A l’inverse, si la Wallonie s’effondre, la Flandre souffrira. L’important, c’est de courir au même rythme.” Dans ces conditions, le souci de l’intérêt général devrait inciter à “la coordination des politiques économiques afin d’optimaliser les retombées de ces dernières”, lit-on dans le rapport sur l’économie wallonne. Voilà qui ressemble à un voeu pieux dans la configuration politique actuelle…

Record du monde de navetteurs

De toute façon, le PIB par habitant ne semble plus le paramètre adéquat pour comparer les performances économiques de nos régions. En effet, le calcul du PIB ne prend pas en compte les revenus des 140.000 navetteurs (11 milliards d’euros). Pour les inclure, il faut plutôt retenir le revenu régional brut, qui dépasserait le PIB régional wallon de 12 %. ” L’ampleur inhabituelle du nombre de navetteurs place la Wallonie parmi les régions d’Europe les plus exportatrices nettes de main-d’oeuvre”, écrivent les auteurs de l’étude. Le revenu régional brut par habitant de la Wallonie se situe dans la moyenne européenne, alors que le PIB par habitant reste, lui, en dessous. La force d’attraction de la main-d’oeuvre provient essentiellement de Bruxelles mais il ne faut pas négliger l’importance du Luxembourg.

L’enchevêtrement des économies mis à jour par cette étude de l’IWEPS, de la Sogepa et du SPW invite enfin à poser un autre regard sur les quelque 6 milliards d’euros de transferts interrégionaux, pour lesquels le gouvernement flamand vient de commander une énième étude universitaire. “Ce montant soutient le pouvoir d’achat de ménages (wallons, Ndlr) qui consomment des biens et services dont 40 % sont importés (des autres régions, Ndlr), écrivent les chercheurs. La consommation privée est ainsi responsable de plus de la moitié des 16 milliards d’euros de déficit commercial de la Wallonie vis-à-vis des deux autres régions.” Au total, les flux commerciaux de la Flandre vers la Wallonie s’élèvent à 24 milliards d’euros. Quel que soit l’avenir institutionnel du pays, les trois régions ont donc besoin de rester économiquement bonnes voisines. Et c’est encore plus vrai pour la Flandre, qui profite le plus des effets multiplicateurs interrégionaux…

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