“La Wallonie abuse de la générosité de la Flandre !”

© Yannbertrand

Le patron des patrons flamands n’a pas mâché ses mots au Cercle de Wallonie, face à un parterre d’entrepreneurs du sud du pays : “La Wallonie vit au-dessus de ses moyens. Cette situation n’a pu perdurer que grâce aux transferts de la Flandre !” Le ministre Antoine n’a guère apprécié…

Luc De Bruyckere, président de l’organisation patronale flamande Voka, a pressé mardi les patrons wallons à “sortir du bois” pour réclamer “une réforme en profondeur” de la Wallonie, laquelle vit “au-dessus de ses moyens” grâce à la générosité de la Flandre.

“Le déficit primaire de la Wallonie est aujourd’hui de 6 milliards d’euros, a commenté mardi après-midi le patron des patrons flamands devant un parterre d’entrepreneurs wallons réunis au Cercle de Wallonie, à Namur. Il était de 1 milliard en 2006. La Wallonie vit au-dessus de ses moyens. Cette situation n’a pu perdurer que grâce aux transferts de la Flandre.”

Luc De Bruyckere a réfuté tout égoïsme dans l’attitude actuelle de la Flandre : “La Flandre est solidaire mais à condition que (cette solidarité) ne se transforme pas en assistanat et qu’elle soit transparente !”

Déplorant un taux d’emploi d’à peine 56 % en Wallonie (contre 66 % en Flandre), la faiblesse de l’enseignement francophone, ainsi que “le droit des chômeurs de Tournai” de refuser un emploi offert à Courtrai, Luc De Bruyckere a jugé que “la Wallonie a besoin d’une réforme en profondeur”. “Il n’y a pas de raison que cette région d’Europe ne s’y soumette pas”, a-t-il ajouté, émettant au passage quelques doutes sur les objectifs de relance wallonne : “J’entends beaucoup de bien du plan Marshall. J’aimerais y croire…”

A ses yeux la Wallonie n’est pourtant pas dépourvue d’atouts pour décoller, citant notamment des espaces encore libres, une réserve de main-d’oeuvre, ainsi qu’une démographie plus forte qu’en Flandre.

“La gestion partagée de Bruxelles est une condition sine qua non du soutien de la Flandre”

Interrogé – virilement même, à une occasion – par l’assemblée, le directeur du Voka s’est défendu d’être séparatiste ou de poursuivre des objectifs politiques, expliquant plutôt être animé par un désir de plus grande efficacité économique. Il a toutefois répété son credo pour une profonde réforme de l’Etat, avec l’octroi de nouvelles compétences aux Régions, une révision de la loi de financement tout en plaidant pour une cogestion de Bruxelles par les Flamands et les francophones.

“La gestion partagée de Bruxelles est une condition sine qua non du soutien (de la Flandre) aux autres Régions, a encore averti Luc De Bruyckere. Le temps des demi-mesures est désormais fini.” Le patron des patrons flamands s’est d’ailleurs attaché à réfuter les craintes exprimées au sud du pays, pour qui une réforme de l’Etat reviendrait à appauvrir la Wallonie, voire préparerait la scission du pays.

“C’est maintenant que nous nous appauvrissons !, a encore fait valoir le président du Voka. Et cette situation ne s’améliorera pas si nous ne trouvons pas une solution adaptée. L’immobilisme est la voie la plus rapide vers le séparatisme !”

Malgré la crise économique et le blocage politique depuis près d’un an, Luc De Bruyckere a toutefois exprimé ses réticences quant à la formation d’un gouvernement à caractère socioéconomique uniquement, sans volet communautaire. “Il faut un accord communautaire avant d’avoir un gouvernement. Ce n’est pas ma position mais c’est comme ça que la Flandre raisonne aujourd’hui.”

Pour André Antoine, la Wallonie n’a pas de leçons à recevoir des patrons flamands

André Antoine, ministre wallon du Budget, estime que le sud du pays n’a pas de leçons à recevoir du Voka, dont le président a affirmé mardi que la Wallonie vit “au-dessus de ses moyens” grâce à la générosité de la Flandre. Selon André Antoine, ces propos relèvent d’une totale méconnaissance de la situation économique wallonne, voire d’une interprétation intentionnellement erronée de certaines études.

Ainsi, lorsque Luc De Bruyckere parle d’un déficit primaire wallon de 6 milliards d’euros, il cite des chiffres issus d’une étude académique qui ne reflète en rien les chiffres réels, car elle présente ce que serait le déficit primaire de la Wallonie en cas de scission de la Belgique. Le déficit primaire de la Wallonie en 2010 est en vérité de l’ordre de 210 millions, précise le ministre du Budget.

Il met aussi en exergue la loyauté de la Wallonie et de la Fédération Wallonie-Bruxelles, qui se sont engagées à restaurer en 2015 l’équilibre budgétaire des deux entités et à ramener, avec les autres entités, le déficit de la Belgique au seuil des – 3 % du PIB dès 2012. L’engagement a été tenu et même amélioré, ajoute-t-il.

Les propos du patron des patrons flamands sont révélateurs d’une totale méconnaissance de la réalité en Wallonie au regard des nombreux paramètres économiques encourageants dont la Région peut se féliciter aujourd’hui, affirme encore le ministre wallon.

Trends.be, avec Belga

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