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‘La stratégie de Charles Michel, une politique de l’autruche, mais pas que…’

En écartant d’un revers de la main les réformes structurelles pour se concentrer sur le bouclage du budget, Charles Michel pratique la politique de l’autruche, car les dossiers qui divisent l’équipe gouvernementale vont de toute façon ressurgir tôt ou tard.

Sans les échéances européennes, le gouvernement n’aurait sans doute pas encore bouclé son budget 2017 à l’heure où vous lisez ces lignes. Les ministres buteraient toujours sur la réforme de l’impôt des sociétés et la taxation des plus-values, qui nous a valu un si beau psychodrame. Mais voilà, l’Europe exigeait le budget pour la mi-octobre et Charles Michel, sachant que ses chiffres allaient de toute façon flirter dangereusement avec les balises européennes, n’a pas voulu prendre le risque de froisser le gendarme budgétaire. Il a balayé ces “réformes structurelles” de la table de négociations pour concentrer les efforts sur le budget.

Il n’est pas idiot de détacher les réformes structurelles du débat budgétaire. Même si la baisse de l’impôt des sociétés doit attendre un peu.”

Une politique de l’autruche ? Oui, parce que ces dossiers qui divisent l’équipe ressurgiront dans les prochaines semaines et que le CD&V, qui exige l’imposition des plus-values, n’acceptera pas éternellement de sortir bredouille des discussions. Cette fois, il a dû se contenter d’un simple rappel de l’engagement gouvernemental en faveur des coopérateurs d’Arco. Mais un jour ou l’autre, il aura besoin d’un vrai nouveau trophée. D’autant plus que la Mutualité chrétienne, longtemps très compréhensive, combat désormais les économies opérées dans les soins de santé. Le CD&V doit donc impérativement rassurer son aile gauche et cela risque de faire tanguer la coalition dans les prochains mois.

Cela étant, autruche ou pas, il n’est pas idiot de détacher les réformes structurelles du débat budgétaire. Trouver 3 milliards d’euros mobilise toutes les énergies. Les projets de réforme sont alors analysés en priorité au regard de leur contribution à l’assainissement, plutôt qu’en fonction de leur efficacité économique à moyen et long terme. Dans un récent ouvrage intitulé Tax shift, Ivan Van de Cloot, l’économiste en chef du think tank Itinera, insistait pour déconnecter les réformes fiscales ambitieuses des conclaves budgétaires. “Si vous cherchez de l’argent pour votre budget, personne ne va croire que votre réforme ne vise pas à augmenter les recettes, vous ne pourrez pas expliquer les nouveaux équilibres, vous ne pourrez pas convaincre qu’ils visent l’intérêt général”, nous confiait-il en mai dernier. Espérons que Charles Michel et les siens puissent s’en inspirer pour mener un débat serein sur la réforme de l’impôt des sociétés, souvent annoncée et toujours reportée.

Nous n’en avons pas fini avec les autruches et leur tête dans le sable. En effet, pour clore rapidement les négociations, le gouvernement a aussi pris quelques libertés avec sa trajectoire budgétaire. Cette année, l’assainissement n’aura finalement rien donné. Charles Michel reconnaît “une quasi-stagnation” du déficit structurel en 2016. Le déficit des finances publiques belges flirte dès lors avec la ligne des 3 % (2,96 % très précisément), il suffirait qu’une mesure rapporte moins que prévu ou que le déficit des entités fédérés et des communes s’élargisse un peu pour glisser du mauvais côté de la barrière.

En revanche, les mesures d’économie et l’augmentation de la taxation du capital devraient améliorer sensiblement le résultat en 2017. Le déficit structurel serait ramené – si tout va bien… – à 1,1 % du PIB. Très bien. Mais toujours en retard sur la trajectoire initiale. Si le gouvernement confirme son objectif d’un retour à l’équilibre structurel en 2018, il devra encore dégager plus de 4 milliards d’euros sur l’année 2018. Pour réussir un tel défi, la coalition fédérale mise sur l’efficacité des réformes déjà lancées en matière de compétitivité et de flexibilité, qui devraient soutenir la création d’emplois. Et elle croise les doigts pour que la nouvelle hausse du précompte mobilier et la perspective d’une taxation des plus-values ne découragent pas trop les entrepreneurs.

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