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“La première leçon de ce référendum italien, c’est d’achever rapidement la construction européenne”

L’échec de Matteo Renzi, à l’instar de celui de David Cameron, nous permet également de tirer une autre leçon. Ils furent chacun confrontés à des problèmes de poltique intérieure, et ont cru intelligent d’organiser un référendum, mais la vengeance populaire n’en aura été que plus terrible.

Les experts et les hommes politiques ne prennent plus le temps de faire grandir leur projet et de le présenter de manière optimale au public, ainsi leurs tentatives de réformes échouent. Et provoque la gronde du peuple.

Matteo Renzi, il rottamattore, le démolisseur, a mordu la poussière. Alors que les électeurs italiens ont rejeté ses propositions de réformes politiques, il abandonne (provisoirement ? ) la politique. C’est tout le paradoxe : en deux ans, celui qui était vu comme le Tony Blair de Florence, celui qui disait vouloir en finir avec un système politique hautement instable qui avait fait défiler 67 gouvernements en 70 ans, celui qui avait accédé à la présidence du conseil italien alors qu’il n’avait pas encore 40 ans, cet homme-là, donc, s’est fait jeter comme un représentant politique déjà dépassé.

Cette défaite n’est clairement pas une bonne nouvelle pour la zone euro, dont on a arrêté la construction en chemin et qui reste très fragile. Nous savons que sans un vrai fonds de garantie commun aux déposants de la zone euro, sans la volonté réelle de construire une véritable union monétaire (ce qui suppose une fiscalité harmonisée, des transferts efficaces entre zones riches et pauvres, une mobilité accrue du travail), l’édifice menace de se lézarder au moindre choc.

Or ce choc est possible. Plusieurs banques italiennes, parmi lesquelles BMPS (Banca Monte Paschi di Sienna) et Unicredit, préparent des augmentations de capital. Si ces prochains jours les marchés réagissent violemment, les investisseurs qui étaient prêts à recapitaliser ces institutions pourraient retirer leurs billes. Le nouveau gouvernement italien devrait alors manoeuvrer rapidement et finement pour résoudre un problème similaire à celui que vit le CD&V avec Arco, mais puissance 1000. Car des dizaines de milliers de ménages italiens détiennent des obligations de ces banques qui pourraient se révéler toxiques. Les nouvelles règles européennes imposent en effet de ruiner les actionnaires, puis les obligataires et les grands déposants, avant d’accepter que l’argent public renfloue une banque.

Pour éviter le désastre, les regards se tournent une fois encore vers la Banque centrale européenne qui tient une réunion capitale ce jeudi et s’apprête à jouer les pompiers. Mais la BCE, même présidée par ” Super Mario ” Draghi, ne dispose pas d’un pouvoir illimité. La première leçon de ce référendum italien, c’est qu’il est temps de se retrousser les manches et d’achever rapidement la construction européenne, avec ceux qui le veulent.

Mais il y a une autre leçon à tirer. On ne peut s’empêcher de faire entrer cet échec en résonance avec celui subi par David Cameron sur le Brexit quelques mois plus tôt. Certes, Cameron est conservateur, Renzi est de centre gauche. Mais voilà deux hommes qui étaient portés par leur énergie et leur (relative) jeunesse, et qui incarnaient un certain renouveau. Mais ils faisaient aussi partie ” d’une nouvelle race de dirigeants politiques qui tend à instrumentaliser le peuple pour servir plus leurs intérêts politiques personnels que l’intérêt général du pays “, pour reprendre l’observation faite dans le Huffington Post par Patrick Martin-Genier, un professeur de Sciences Po Paris. Ils étaient tous les deux confrontés à des problèmes de politique intérieure. Pour les régler et conforter leur pouvoir, ils ont cru intelligent d’organiser un référendum. Dans les deux cas, la vengeance de l’électeur n’en a été que plus terrible.

Les Britanniques hier, les Italiens aujourd’hui, ont donné un avertissement politique : si nos pays ont besoin de réformes, et nous savons qu’ils en ont besoin, elles ne pourront être acceptées que si une grande partie des citoyens se sentent impliqués dans le processus de décision. Comme le décrypte notre dossier de la semaine, c’est parce qu’experts et hommes politiques, entre autres, ne prennent pas le temps de faire mûrir les projets et de les porter sur la place publique qu’ils échouent dans leur tentative de réforme. Il s’ensuit une réaction épidermique d’un corps électoral énervé. Une réaction qui n’est pas sans danger.

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