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La petite dette qui monte, qui monte…

Comme chaque année à cette période de l’année, le Fonds monétaire international (FMI) vient de publier deux rapports présentant de manière presque exhaustive la situation économique et financière mondiale.

Sans réelle surprise, le rapport général du FMI pointe d’abord le fait que la croissance mondiale est moins synchronisée et, surtout, qu’elle plafonne depuis le début de l’année. Le FMI l’avoue par ailleurs, la probabilité d’avoir une bonne surprise en matière de croissance s’est réduite. En conséquence, l’institution internationale a abaissé sa prévision de croissance pour l’économie mondiale.

Le rapport qui est consacré à la stabilité financière regorge également d’informations intéressantes. Dix ans après la crise, et alors que tout le monde parle du risque de la voir se répéter, il permet d’objectiver le débat, plutôt que de parler dans le vide. Même s’il est difficile de cibler quel élément provoquera la prochaine crise économique et/ou financière, une lecture en détail permet au moins d’identifier les poches de risque, ce qui n’est déjà pas mal.

Une crise financière naît de la conjonction de trois ingrédients : un ralentissement économique, des taux d’intérêt élevés et en hausse, et une dette élevée. Que dit le rapport à propos de ce dernier sujet ? Que l’endettement s’élève à 250 % du PIB mondial, soit en hausse de 40 points depuis 2008. Il s’agit bien ici de l’endettement total, rassemblant les Etats, les ménages et les entreprises. Pour donner un ordre de grandeur dans une métrique différente, l’endettement total des différents secteurs atteint 126.000 milliards de dollars dans les économies développées et 41.000 milliards de dollars dans les économies émergentes. Il est donc exact de dire non seulement que la dette mondiale ne cesse d’augmenter mais aussi que le levier financier (dette/activité) de l’économie mondiale augmente.

Mais des disparités apparaissent. Au niveau des Etats, dette et ratio d’endettement augmentent. La lutte contre la crise de 2008-2009 s’est opérée au prix d’un creusement des déficits budgétaires dans les pays européens. Aux Etats-Unis, après un assainissement assez strict des finances publiques sous la présidence d’Obama, le déficit public est également reparti à la hausse.

La taille de la dette pose également la question de la facture que les débiteurs laissent… à leur descendance. Au-delà du risque financier, est-ce politiquement et moralement tenable?

Au niveau des ménages, le constat est un peu différent : leur situation financière a plutôt tendance à s’améliorer, ce qui est un gage de stabilité. Aux Etats-Unis par exemple, le taux d’endettement des ménages a clairement diminué. Il était de plus de 97 % du PIB au moment de la crise mais est revenu à moins de 79 %. Il faut y ajouter que quel que soit le type de crédit, on n’observe pas à ce jour une progression des taux de défaut sur les crédits en cours. Or, durant la crise de 2008, c’était un indicateur annonciateur du drame qui allait se jouer. Dans la zone euro, ce désendettement est certes moins prononcé, mais on est quand même passé de près de 60 % du PIB durant la crise à un peu plus de 57 %. C’est une bonne nouvelle, d’autant plus que dans les pays émergents, le taux d’endettement des ménages reste faible. On soulignera néanmoins, et c’est très important, la forte progression du ratio d’endettement des ménages chinois. Il est en effet passé d’à peine 20 % en 2009 à plus de 48 % en 2017 alors même que, selon le FMI, le taux de défaut est plutôt à la hausse dans les pays émergents.

Au niveau des entreprises, la situation des Etats-Unis mérite aussi de l’attention. En effet, le taux d’endettement de leurs entreprises est revenu au niveau de 2007-2008 qui représentait déjà un record. Il est donc difficile d’imaginer que la progression puisse se poursuivre au même rythme dans les mois à venir, d’autant que la remontée des taux insufflée par la Fed augmentera le service de cette dette.

En conclusion, il faut donc retenir que, globalement, la situation financière des ménages s’est améliorée, alors que les taux de défaut sur les crédits ne montrent pas, dans les économies développées, de dégradation financière particulière. Mais des poches de risque sont bel et bien présentes : les entreprises américaines d’abord, mais aussi les pays émergents en raison d’une hausse des taux de défaut, et les ménages chinois en raison de la forte progression de leur endettement.

Il faut enfin s’interroger sur la question de la taille de la dette elle-même. Mondiale, elle est le reflet du fossé qui sépare ceux qui empruntent de ceux qui prêtent. Et pose donc la question de la facture que les débiteurs laissent… à leur descendance. Au-delà du risque financier, est-ce politiquement et moralement tenable ?

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