Trends Tendances

“La passion de l’égalité n’est pas seulement propre aux partis qui se disent socialistes”

Dans son dernier livre, le philosophe Drieu Godefridi montre que ce qui permet de rassembler les différentes chapelles du socialisme- de la social-démocratie à la France insoumise de Mélenchon, en passant par les dérives communistes, solidaristes et autres – c’est exclusivement une chose : la passion de l’égalité.

” La passion de l’égalité “, c’est le titre du dernier ouvrage du philosophe belge Drieu Godefridi. L’auteur, qui n’est vraiment pas un adepte du politiquement correct, a sous-titré son ouvrage en indiquant Essai sur la civilisation socialiste. Avec la rigueur qui le caractérise, Drieu Godefridi montre que ce qui permet de rassembler les différentes chapelles du socialisme- de la social-démocratie à la France insoumise de Mélenchon, en passant par les dérives communistes, solidaristes et autres – c’est exclusivement une chose : la passion de l’égalité. Et pour eux, cette égalité s’apprécie, en fait, et non seulement en droit. Il s’agit de l’égalité des conditions économiques, de revenus, voire de capital. Le socialisme, ce n’est donc ni la lutte des classes, ni la nationalisation des moyens de production, ni la cogestion, c’est exclusivement la tendance vers une plus grande égalité de fait entre les moyens dont disposent les individus.

Le brillant Anthony de Jasay avait déjà remarqué, dans son ouvrage L’Etat que toutes les doctrines politiques présentes à ce jour se revendiquaient de la notion d’égalité. Mais il avait remarqué aussi que la notion d’égalité n’avait pas le même sens suivant les doctrines des uns et des autres. Celle que consacre la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, comme d’ailleurs la Constitution belge, c’est ” l’isonomie “, l’égalité des droits. C’est ce qui interdit toutes les discriminations, mais c’est aussi ce qui permet aussi l’exercice des libertés. Ce sont celles-ci, y compris la manière d’exercer librement ses droits, qui permettent à chacun de différencier sa situation des autres, pour le meilleur ou pour le pire, et qui font qu’il existe des inégalités de fait, malgré le principe, essentiel, de l’égalité des droits. Dès que l’on veut aboutir à une égalité de fait entre les revenus ou les fortunes, il est nécessaire de supprimer les libertés. Même si l’on se contente de tendre vers une plus grande égalité, cela suppose des atteintes aux libertés, plus ou moins importantes selon le degré d’égalité factuelle que l’on recherche.

La passion de l’égalité, caractéristique du socialisme, n’est pas seulement propre aux partis qui se disent socialistes.

C’est ainsi que Drieu Godefridi démontre que la passion de l’égalité, caractéristique du socialisme, n’est pas seulement propre aux partis qui se disent socialistes. C’est en réalité la référence fondamentale de notre civilisation elle-même. Quels que soient les gouvernants – conservateurs, réformateurs, chrétiens démocrates ou réellement socialistes, et même certains qui s’affirment libéraux – la politique de tous les pays européens est en ce sens toujours socialiste parce qu’aucun parti, aucun gouvernement, ne remet en cause cette passion de l’égalité. Tous revendiquent des mesures qui, efficaces ou non, cherchent à réduire les inégalités et passent nécessairement par une moindre liberté individuelle. C’est ce qui fait que les Etats européens accaparent, suivant les pays, plus ou moins 50 % de ce que les citoyens et les entreprises produisent, et en dépensent en général un petit peu plus encore. C’est aussi ce qui fait que quasiment toutes les activités sont réglementées ou régulées par les pouvoirs publics, même lorsqu’elles n’en ont plus la propriété. On aboutit à une espèce de socialisme sans que soit nécessaire une étatisation des moyens de production et des entreprises. Il suffit de les surtaxer et de les soumettre à des multiples obligations, contraintes, contrôles et sanctions.

C’est sans doute là que se situe l’essentiel de l’ouvrage. Il ne s’agit pas seulement de distinguer en quoi consiste le socialisme, mais de conclure que nous vivons dans une société socialiste et qu’elle ne cesse de devenir de plus en plus socialiste, parce que de plus en plus égalitaire, à tout le moins dans ses objectifs. Tout cela n’est pas contradictoire avec la constatation des pertes électorales importantes subies par les partis socialistes et sociaux-démocrates en Europe, et notamment en Allemagne, en France, en Espagne, en Grèce ou en Belgique. Le socialisme ne perd pas, même si les partis qui s’en revendiquent explicitement sont en chute. Cette doctrine ne fait au contraire que progresser, parce que les idées qu’elle véhicule sont reprises par tous les autres partis, et notamment, en France, tant par l’extrême gauche de Jean-Luc Mélenchon que par l’extrême droite lepéniste, en passant par le parti du président Macron.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content