La paralysie de l’Europe révélée par Maystadt

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L’ancien ministre des Finances Philippe Maystadt sort un livre sur les déboires de l’Europe. Il est très critique, notamment sur la paralysie de la Commission européenne, dont il donne des exemples troublants. Mais il présente des solutions.

L’Europe figure à toutes les sauces dans les titres de l’actualité. L’opus de l’ancien ministre des Finances Philippe Maystadt, Europe : le continent perdu ? (Editions Avant-propos), a un peu de mal à se frayer un chemin dans la cacophonie de l’aide à la Grèce, des multiples et confus sommets européens, des signatures de traité pour augmenter les contraintes budgétaires.

Philippe Maystadt connaît bien le sujet puisqu’il était, jusqu’à la fin de 2011, président de la Banque européenne d’investissement, une institution européenne finançant (notamment) les infrastructures des pays membres. Il a aussi participé à la création de l’euro en tant que ministre des Finances de la Belgique dans les années 1980 et 1990.

Commission européenne : le syndrome du dentiste d’Edith Cresson

Philippe Maystadt ne pèche pas par excès d’optimisme. Son ouvrage, à la fois court (176 pages) et dense, fait une analyse détaillée des faiblesses de l’Union européenne : une productivité trop faible, une population vieillissante, un déficit de travailleurs hautement qualifiés, avec “une désaffection relative pour les études scientifiques, en particulier celles d’ingénieur”. Et une montée des “égoïsmes nationaux”.

Le livre donne un aperçu assez inquiétant des institutions européennes qu’il connaît de très près. La Commission européenne, par exemple, est paralysée au-delà de ce que l’on peut imaginer d’une administration publique. “Plusieurs commissaires m’ont avoué qu’ils n’oseraient jamais prendre une décision, même lorsqu’ils sont totalement convaincus de son bien-fondé, si celle-ci n’est pas au préalable approuvée par plusieurs niveaux de la hiérarchie administrative.”

La paralysie est le résultat d’affaires comme celle du dentiste de la commissaire française Edith Cresson, une affaire d’emploi fictif qui a mené à la démission de la Commission. Les commissaires craignent la Cour des comptes et les audits. “Plusieurs mois après leur annonce publique, aucune des mesures destinées à soutenir “d’urgence” la croissance en Grèce n’avait encore effectivement été mise en oeuvre.” Le dossier en souffrance porte sur les aides des fonds structurels. En 2011, “le président de la Commission avait annoncé que 500 millions étaient affectés à la constitution d’un fonds de garantie aux PME grecques. Mais ce fonds n’est pas encore en place”. Gênant…

Europe : Maystadt fait l’hypothèse d’un sursaut

Pourtant, l’ancien patron de la BEI veut y croire, et mise sur un sursaut, en démontrant que nous aurions trop à perdre à affaiblir le projet européen. Il estime par exemple que la crise financière de 2008 aurait été mieux maîtrisée si la régulation avait été mieux organisée au niveau européen, que la R&D serait plus productive si un vrai brevet européen avait été mis en place.

Philippe Maystadt veut y croire mais n’affiche pas une vision naïve qui a longtemps prévalu pour parler de l’Europe. Il ne cède pas davantage à la tentation de se donner le beau rôle dans les postes qu’il a occupés, au profit d’une vision originale qui mélange le témoignage à l’essai bien argumenté.

Robert van Apeldoorn

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