La liste des réformes grecques: entre promesses électorales et exigences européennes

Alexis Tsipras © Reuters

Le gouvernement grec a adressé lundi à ses partenaires européens la liste des réformes qu’attendait avant la fin de la journée la zone euro pour valider le laborieux compromis sur l’extension du financement du pays, tout en espérant infléchir la politique d’austérité imposée depuis 2010.

Les autorités grecques ont fait parvenir à Bruxelles cette liste de réformes, susceptible de lui ouvrir la voie à une extension de quatre mois du financement du pays, a indiqué lundi une source européenne.

“La liste a été reçue”, a confirmé cette source. Elle doit être examinée lundi par les institutions (Union européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international) qui doivent donner un avis avant une réunion mardi par téléphone des ministres des Finances de la zone euro.

L’accord de la dernière heure trouvé vendredi soir entre la Grèce et ses partenaires européens prévoit l’extension jusqu’à fin juin de l’aide européenne au pays à condition que le gouvernement Tsipras continue de collaborer dans le cadre du plan de sauvetage en cours depuis 2010 et renouvelé en 2012. Le nouvel exécutif avait fait voeu, avant d’accéder au pouvoir le 25 janvier, de “déchirer” ce programme d’aide, synonyme de rigueur budgétaire drastique, et continue, depuis l’accord de vendredi, de proclamer qu’il a “laissé l’austérité derrière (lui)”.

Il met notamment en avant la principale concession arrachée à ses partenaires: pouvoir présenter à la zone euro d’ici lundi soir sa propre liste de réformes avec l’espoir de faire accepter des mesures moins douloureuses pour la population que celles prévues dans le programme initial qui s’achève samedi. Mais la marge de manoeuvre reste très étroite puisque la Grèce s’est aussi engagée à ne pas faire déraper l’équilibre des finances publiques.

Si le catalogue de mesures n’est pas validé par les 18 autres ministres des Finances de la zone euro, qui en discuteront mardi par téléphone, Athènes et ses créanciers seront renvoyés à la case départ: celui du spectre d’une asphyxie budgétaire de la Grèce, faute de prolongation de l’aide financière après le 28 février, et au final d’une sortie du pays de la monnaie unique.

Même en cas de feu de vert de la zone euro sur les propositions du gouvernement Tsipras, le pays n’est pas sorti de l’ornière, soulignaient lundi plusieurs analystes.

Le compromis de vendredi est “simplement un accord pour entamer des négociations qui seront sans nul doute complexes et pénibles”, selon Chris Weston de la société de courtage IG.

Le ministre belge des Finances, Johan Van Overtveldt, a rappelé que l’Eurogroupe avait fait une proposition à la Grèce. “Nous avons bien mis sur papier que les réformes que le gouvernement grec veut faire doivent être en ligne avec le programme existant. Et ces quelques mesures (annoncées par le gouvernement d’Alexis Tsipras, comme la hausse du salaire minimum, l’augmentation des petites retraites, ou encore l’arrêt des privatisations) ne sont pas exactement en ligne avec ce programme. Si la liste du gouvernement grec contient ces éléments-là, alors ce sera très difficile”, a-t-il ajouté.

La mise en oeuvre des réformes fera l’objet d’une évaluation en avril et la zone euro ne devrait pas, d’ici là, débourser l’argent restant dans le programme d’aide (7,2 milliards d’euros, dont 3,6 venant de l’UE).

Or, rappellent les économistes de Berenberg, Athènes “aura probablement besoin d’argent en mars pour honorer 2,2 milliards d’euros de remboursements de prêt, dont 1,4 milliard du FMI”.

Et les finances grecques ne sont pas au mieux, affichant, selon le ministre d’Etat Nikos Pappas, un manque à gagner de 4 à 4,5 milliards d’euros ces derniers mois, par rapport aux prévisions.

Les réformes envisagées par Athènes permettraient d’encaisser environ 7,3 milliards d’euros de recettes, affirme Bild lundi, citant les revenus attendus de l’offensive contre la contrebande de cigarettes et d’essence et la taxation des grandes fortunes.

Dans la mesure où le gouvernement grec retire les mesures d’économies prévues jusqu’à présent (baisse des retraites, hausse de la TVA), il doit à la place en proposer d’autres équivalentes, a souligné lundi le commissaire européen au numérique, l’Allemand Günther Oettinger, dans la presse d’Outre-Rhin.

Faute de quoi il sera difficile d’obtenir une majorité suffisante au Bundestag, chambre basse du parlement allemand qui doit, comme d’autres parlements nationaux, valider la prolongation du plan de sauvetage, théoriquement d’ici la fin de la semaine.

Un équilibre difficile à trouver pour le gouvernement Tsipras confronté à de premières critiques en interne: le député européen et doyen de la gauche grecque Manolis Glezos, 92 ans, a vertement critiqué les concessions faites à la zone euro, et s’est “excusé auprès du peuple grec d’avoir participé à cette illusion”.

Partner Content