La France veut assécher les sites pirates des revenus publicitaires

© BERTRAND BECHARD/MAXPPP

L’idée de Mireille Imbert-Quaretta, présidente de la commission de la protection des droits de l’Hadopi, pour lutter contre la “piraterie” du Net, est d’assécher les ressources financières des sites qui diffusent illégalement du contenu (films, musique, livres…) via les acteurs de la publicité et du paiement en ligne. C’est-à-dire en les privant des revenus publicitaires.

Mais le rapport de la présidente de la commission de la protection des droits de l’Hadopi, qui sera remis à la ministre de la Culture Aurélie Filippetti, ressemble plus à un voeu pieux qu’à une véritable “menace” pour les sites de pirates… Pourquoi ?

Tout d’abord ce rapport a pour but de mettre sur pied des “outils opérationnels” dans “la prévention et la lutte contre la contrefaçon commerciale en ligne”. Pour Mireille Imbert-Quaretta, “il n’existe pas de solution unique pour lutter contre la contrefaçon sur internet”. Il faut “mettre en place un ensemble d’actions complémentaires et coordonnées impliquant tous les acteurs”.

Et pour cela, ce rapport propose quatre “outils”. Le premier consiste à “assécher les ressources financières” des sites illégaux à travers la signature de chartes par les acteurs de la publicité et du paiement en ligne pour empêcher la diffusion, sur les sites illégaux, de bandeaux publicitaires ou bloquer les solutions d’abonnements.

On peut se demander si cette mesure sera vraiment efficace et si certains annonceurs se priveront d’une grande visibilité en n’affichant plus leur publicité sur ces sites par souci d’éthique. De plus, qu’en sera-t-il des sites hébergés “ailleurs que sur le territoire français” (ils le sont tous quasiment) ? Quelle législation sera d’application pour ceux-ci ? Sans oublier que certains sites pirates fonctionnent sans publicité ou presque.

Deuxièmement, le texte prône une approche mêlant “l’autorégulation” et “le droit souple”. “Il n’est pas nécessaire à ce stade, eu égard à la volonté commune des acteurs d’agir spontanément en ce sens et à la particularité du réseau internet, d’envisager des mesures contraignantes”, écrit Mireille Imbert-Quaretta.
Sans mesures contraignantes et avec beaucoup de souplesse, les mesures prises seront-elles appliquées et respectées ? A voir…

Troisièmement le rapport propose également d’établir, à partir d’informations fournies par les ayants droit, une liste des sites qui “portent massivement atteinte au droit d’auteur” afin d’en informer le public “qui s’interroge parfois sur la licéité d’un site en particulier”.
Le voeu de madame Imbert-Quaretta est que cela “faciliterait non seulement les actions d’autorégulation de la part des intermédiaires de paiement et des acteurs de la publicité”, mais permettrait également d’informer “d’autres intermédiaires”.
Difficile de savoir si le public se pose réellement des questions quant à la licéité d’un site ou si il voit son profit immédiat : contenu gratuit contre contenu payant !

Finalement, le rapport préconise la “création d’une injonction de retrait prolongé” par une autorité administrative pour éviter que des contenus illégaux déjà supprimés réapparaissent sur d’autres sites et un “dispositif de suivi dans le temps des décisions judiciaires”.
Là on s’interroge vraiment comment une injonction de “retrait prolongé” pourra empêcher du contenu de réapparaître… surtout sans envisager des “mesures contraignantes” (voir la 2e mesure).

Et si une solution pour faire respecter le droit des auteurs, que cela soit en France, en Belgique ou ailleurs dans le monde, serait plutôt de faire payer un prix “juste”, c’est-à-dire un prix correspondant à une rémunération de l’auteur, plutôt qu’un prix exorbitant, reprenant des frais de support, de diffusion, etc. qui n’ont pas lieu d’être avec un fichier électronique ?

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