La fin guette les chèques-repas

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Une majorité se dessine à la Chambre pour supprimer le système des chèques-repas. Le CD&V a introduit en décembre une proposition de loi en ce sens. L’Open VLD soutient l’idée tandis que la N-VA marque un “accord de principe”, peut-on lire mardi dans De Tijd et L’Echo. Le MR se dit a priori favorable, mais pointe quelques “éléments négatifs”.

“Nos entreprises paient chaque année environ 43 millions d’euros aux émetteurs de chèques, ce qui en fait un système onéreux”, plaide l’auteur de la proposition Stefaan Vercamer (CD&V). “Les commerçants qui veulent récupérer les chèques paient également entre 30 et 40 millions d’euros. C’est de l’argent jeté par les fenêtres”.

Pour simplifier le système, les chrétiens démocrates et les libéraux flamands plaident pour remplacer ces chèques par une compensation équivalente sur la fiche de paie. La N-VA est d’accord sur le principe, mais les nationalistes ne veulent se lancer dans une réforme qu’à condition que celle-ci ne pèse pas sur les coûts pour les employeurs.

La suppression des chèques-repas ne figure pas dans l’accord de gouvernement, mais la proposition pourrait toutefois faire mouche.

Le MR a priori favorable, mais le timing n’est pas bon

Le Mouvement réformateur est “a priori favorable” à la proposition du CD&V, soutenue par l’Open Vld, a indiqué mardi le député David Clarinval qui y voit cependant également un certain nombre d'”éléments négatifs”.

Un des problèmes qui se posent est que le remplacement du titre-repas par une indemnité immunisée pourrait être considéré comme une discrimination, toutes les entreprises du pays n’accordant pas un tel avantage. Les travailleurs lésés pourraient saisir la Cour constitutionnelle. Une solution serait de généraliser l’indemnité, ce qui aurait pour effet d’augmenter les salaires dans le pays.

Il faut veiller à “ne pas torpiller les négociations en cours au sein du groupe des Dix en menant des discussions parallèles”, a mis en garde David Clarinval. Il suggère que l’on se donne le temps, avec les partenaires sociaux notamment, d’examiner la proposition en profondeur.

Sur le fond, le député MR se dit “a priori favorable” à l’évolution proposée par le CD&V et l’Open Vld (la N-VA a marqué un accord de principe) en ce qu’elle permet d’alléger le coût des entreprises et de supprimer les discriminations entre les petits et les grands commerces.

Parmi les “éléments négatifs”, M. Clarinval le risque existe qu’à terme, l’État décide de supprimer l’immunisation frappant l’indemnité. Ce sera plus évident qu’avec un chèque-repas matériel. Le député craint également que toutes les entreprises soient contraintes d’accorder l’indemnité remplaçant le chèque-repas. Il y voit également un danger pour l’économie locale. Avec une indemnité, le consommateur pourrait être enclin à thésauriser la somme ou à faire ses achats au-delà des frontières (internet, etc.)

Le député demande à pouvoir étudier le dossier au sein de son parti et avec les partenaires sociaux (ceux-ci s’étaient manifestés en ordre dispersé dans un avis du Conseil national du travail). Il n’exclut pas ensuite de revenir avec des amendements. Mais “il n’y a pas d’urgence”, insiste-t-il.

“La suppression des chèques-repas ferait perdre des milliers d’emplois”

De “nombreuses” études ont montré que la suppression des chèques-repas aurait un impact économique “très négatif” et ferait perdre des milliers d’emplois en Belgique, souligne pour sa part la Fédération des entreprises de Belgique (FEB).

Dans un communiqué, la FEB rappelle que les chèques-repas ont été introduits en guise de solution de rechange à l’offre de repas peu onéreux dans le restaurant d’entreprise. “Une rémunération nette ne peut en aucune manière être mise en rapport avec ce système et elle poserait le problème de la discrimination fiscale entre les travailleurs qui bénéficient de cet avantage et ceux dont la totalité du salaire est soumise aux impôts et cotisations sociales”, souligne l’organisation patronale.

La FEB rappelle encore que les partenaires sociaux ont convenu au début de l’année 2014 de ne plus autoriser que les chèques-repas électroniques à partir de 2016, ce qui doit permettre de supprimer les coûts et les formalités administratives liés au système des chèques papier.

Considérant qu’il serait “peu judicieux” de revenir sur le choix de la mise en oeuvre d’un “bon système technique de chèques-repas électroniques qui répond aux exigences de protection des droits des travailleurs et à la facilité d’utilisation dans le commerce, en conformité avec les nombreuses obligations légales”, l’organisation patronale pense que le moment est venu de “clôturer définitivement ce dossier et de laisser les entreprises, les commerçants et les éditeurs de chèques-repas faire leur travail dans un cadre juridique stable et sûr”.

Les syndicats rejettent eux aussi cette idée

Après la FEB, c’est au tour du front commun syndical CSC-FGTB-CGSLB de faire part de son opposition à l’idée d’un remplacement des chèques-repas.

“Mauvaise idée”, ont réagi les syndicats pour qui le chèque-repas ne constitue pas un salaire. Et ceux-ci de souligner, dans un communiqué, que “le remplacement des titres repas et d’autres avantages extra-légaux par un salaire net supplémentaire qui serait en outre repris comme tel sur la fiche de paie laisse la porte ouverte pour, à l’avenir, ne plus augmenter que cette partie nette du salaire. Cela porte atteinte au financement de la sécurité sociale (pensions, soins de santé, allocations de chômage, …) et a un impact négatif sur le montant des indemnités accordées en cas de maladie, de chômage, de pension qui se calculent sur la base de la rémunération brute”.

Les syndicats attirent également l’attention sur le fait que les chèques-repas doivent être obligatoirement utilisés dans des secteurs à haute intensité de travail, tels que le commerce alimentaire et l’horeca. “Leur disparition mettrait en danger l’emploi dans ces secteurs”, avertissent-ils.

Le front commun syndical CSC-FGTB-CGSLB insiste par ailleurs sur le fait que ce dossier “fait partie intégrante de la concertation sociale” et demande, “une fois de plus, de respecter le rôle des interlocuteurs sociaux”.

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