La “fairness tax” : nouvelle usine à gaz fiscale ?

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Pour le député Ecolo Georges Gilkinet, le nouvel impôt minimum des sociétés est un nouveau bidule qui n’a rien d’équitable.

Lors du dernier conclave budgétaire, le gouvernement a décidé de lever de nouveaux impôts pour équilibrer les comptes de l’Etat de l’année 2013. Parmi ceux-ci, la fameuse “fairness tax” ou taxe d’équité. Mesure-phare sur laquelle les ministres de l’équipe papillon se sont accordés, à savoir l’instauration d’un impôt minimum frappant les grandes entreprises qui distribuent un dividende.

Dix jours à peine après le bouclage du budget, ses modalités d’application sont déjà connues. Elle prendre la forme d’une cotisation distincte de 5,15 % (en ce compris la cotisation complémentaire de crise). Laquelle portera sur une base taxable dont le calcul apparaît comme plutôt compliqué. Y compris aux yeux des spécialistes. “Le dispositif est tout sauf simple, observe le député Ecolo Georges Gilkinet. Le mode de calcul est d’une complexité extrême et risque de conduire à de multiples recours en justice. Je ne pense pas qu’on ait choisi la voie la plus directe pour arriver aux objectifs déclarés. On en est loin. Si le but était de prélever un impôt minimum, il fallait le faire autrement.”

D’abord revoir les notionnels Faisant référence aux deux exemples de sociétés soumises au nouvel impôt cités dans le commentaire des nouveaux articles de loi, le député Ecolo se montre très sceptique sur l’efficacité du mécanisme ainsi que sur l’effectivité des recettes escomptées. “Le premier conduit à une taxation effective de 0,4 %, le second à une taxation effective de 4,75 %. Et cela sans compter, les possibilités d’évitement de la taxe (via prix de transfert et autres), ni le doute qu’on peut avoir quant à l’avis de la Commission européenne sur le sujet.”

Proposant d’amender le texte du gouvernement pour empêcher les sociétés de réduire leur base imposable au-delà de 15 % du bénéfice réalisé et qu’elle paient donc au minimum un impôt de 5 % (compte tenu des 33,99 % à l’Isoc), les verts restent par ailleurs persuadés que c’est d’abord d’une réforme fondamentale des intérêts notionnels (conditionnement au maintien de l’emploi, limitation de la base de calcul à un tiers du bilan, augmentation de l’avantage pour les PME et les dépenses en matière de R&D) dont nous avons besoin. “Il faut absolument revoir le système des intérêts notionnels et le conditionner autrement, insiste Georges Gilkinet. Il crée des situations économiques inefficaces et problématiques d’un point de vue budgétaire. Mais c’est manifestement tabou pour la majorité !”

L’industrie pénalisée Le Conseil d’Etat a recalé la mesure, ont aujourd’hui annoncé certains. Pour Jean Baeten, le fiscaliste attitré de la FEB, ce jugement est excessif : le Conseil a plus simplement demandé de justifier la distinction faite entre les grandes entreprises, seules visées par la “fairness tax”, et les PME. Le fait que les secondes en soient exemptées, et qu’il existe donc une discrimination entre les entreprises, ne pose selon lui pas de problème : plusieurs dispositions légales vont déjà dans ce sens. Jean Baeten n’est pas, pour autant, enthousiaste face à cette nouvelle mesure, cela va de soi. “C’est une taxe fondamentalement idéologique, juge-t-il, qui revient à taxer les intérêts notionnels et les pertes reportées. Nous sommes ainsi le seul pays du monde à taxer les incitants fiscaux !” Ce que sont effectivement les premiers.


Le fiscaliste de la FEB relève que les entreprises industrielles seront davantage pénalisées que les autres, car elles sont plus cycliques. Autrement dit, elles connaissent plus souvent des années de pertes entre les années clôturées sur un bénéfice. Ceci ne les empêche pas de payer malgré tout un dividende, grâce aux bénéfices reportés. C’est une situation “normale” dans l’industrie. Or, le report des intérêts notionnels a déjà été supprimé et ce sont maintenant les pertes qui seront taxées. Le cycle économique plus marqué propre aux entreprises industrielles va donc les pénaliser face à la “fairness tax”.

Sébastien Buron

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