La faillite de Detroit n’est pas une surprise !
Pour tout observateur de la santé financière des pouvoirs locaux américains, la véritable surprise est que le pays n’ait pas enregistré davantage de faillites.
On a cru que le mouvement était en marche en juillet de l’an dernier quand, en deux bonnes semaines à peine, trois municipalités de l’Etat de Californie avaient jeté l’éponge, dont Stockton et San Bernardino, qui comptent respectivement 300.000 et 200.000 habitants. Un an plus tôt, c’est le comté de Jefferson, situé dans l’Alabama, qui avait ouvert la voie, signant du même coup un record historique en matière de passif, avec 4 milliards de dollars. Avec les 18 ou 20 milliards de Detroit, ce record est pulvérisé !
Si l’on avait alors craint que la série continue, c’est parce que de nombreux pouvoirs locaux américains sont, depuis la crise, dans une situation financière désastreuse. L’euphorie qui prévalait au début des années 2000 les a conduit à lancer de grands projets et à s’endetter lourdement. Avec la crise, leurs dépenses sociales ont augmenté, alors que leurs recettes chutaient. Ces dernières sont assez largement constituées de taxes immobilières; or, avec la chute d’un tiers de la valeur du résidentiel américain entre 2007 et 2010, elles ont piqué du nez.
Résultat : des déficits budgétaires monstrueux. En 2009, celui de l’Arizona atteignait 65 % ! Autrement dit, les recettes ne couvraient a priori que 35 % des dépenses. La situation s’est un peu améliorée en 2010, quand le record du genre est revenu à 56 % “seulement”, signé cette fois par le Nevada. La moyenne nationale frisait alors les 30 %. Pire que la Grèce !
Un Etat ou ville ne pouvant emprunter que pour investir et non pour couvrir ses dépenses courantes, la seule solution est de couper drastiquement dans ces dépenses. En supprimant des services sociaux et des transports publics, en diminuant les salaires et les retraites, en taillant dans les effectifs. En trois ans, les pouvoirs locaux américains ont licencié un demi-million de fonctionnaires, y compris des policiers et des enseignants. Quand tout cela ne suffit pas, il reste la faillite, ou plutôt le “chapter 9”, équivalent du fameux “charpter 11” pour les entreprises, que l’on peut assimiler à un concordat.
La situation économique des Etats-Unis s’améliore sûrement… mais lentement. Trop lentement pour de nombreux Etats et villes dont la situation reste financièrement intenable. Detroit ayant osé se déclarer en faillite, d’autres grandes villes suivront-elles ? La situation de Chicago est à peine moins désespérée et celle de nombreuses autres entités n’est guère plus brillante. Au printemps 2010, Richard Rodian, ancien maire de Los Angeles, prédisait que sa ville serait en état de cessation de paiement d’ici 2014. Et que si l’Etat fédéral ne leur venait pas en aide, tous les pouvoirs locaux deviendraient totalement insolvables !
Guy Legrand
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