La crise politique et les marchés précipitent le Portugal vers l’aide européenne

© Reuters / Hugo Correia

Le Parlement a rejeté mercredi le nouveau plan d’austérité, provoquant la démission du Premier ministre socialiste José Socrates. La voie semble ouverte à un recours au fonds d’aide européen.

Le Portugal aura résisté longtemps à faire appel à l’aide internationale. Mais l’issue semble désormais inévitable. La droite portugaise a voté mercredi au côté de la gauche antilibérale contre le programme d’austérité du gouvernement socialiste, garantissant ainsi son rejet par le Parlement.

Ce quatrième plan d’austérité en un an était censé réduire le déficit à 2% du PIB à l’horizon 2013 et éviter le recours à un plan de sauvetage de l’UE et du FMI. Conséquence de ce rejet: le Premier ministre socialiste José Socrates, qui avait prévenu qu’il ne se présenterait pas les mains vides au sommet européen à Bruxelles jeudi, a démissionné le soir même. Des élections anticipées pourraient être convoquées par le président Anibal Cavaco Silva pour fin mai ou début juin.

Depuis plusieurs jours, l’ensemble de l’opposition avait affiché sa détermination à provoquer la chute du gouvernement , accusé d’avoir “menti au pays” sur la situation financière du pays et de s’être engagé auprès des institutions européennes sur le programme d’austérité sans concertation interne préalable.

M Socartes a eu beau répéter que sa démission “ouvrirait la porte au Fonds monétaire international”, la menace ne faisait pas peur à l’opposition: ces derniers jours, Pedro Passos Coelho, leader du PSD et futur Premier ministre pressenti, s’est en effet dit prêt à “collaborer avec le FMI et l’UE” dans le cadre d’un programme d’aide.

Des coûts d’emprunt insoutenables

De fait, l’Etat portugais n’a plus les moyens de s’en sortir tout seul. Il ne lui reste plus que 4 milliards d’euros de réserves et doit lever d’importants emprunts dans les prochaines semaines pour pouvoir rembourser d’ici le 15 juin plus de 9 milliards de dette. Or le taux de ses obligations à 10 ans atteint désormais 7,5%. A titre de comparaison, lorsque la Grèce et l’Irlande ont fait appel à l’aide extérieure, leurs taux étaient respectivement de 10% et de 9%. “Le Portugal ne fait pas forcément face à un problème immédiat de liquidités : il devrait être capable d’attirer de la demande aux taux de marchés actuels. Mais à moyen terme cela commence à faire cher pour l’Etat, qui a la possibilité d’accéder à un taux plus avantageux auprès de l’UE et du FMI”, explique Thibault Mercier, économiste à BNP Paribas.

Paradoxalement, les taux pourraient être en train d’augmenter justement parce que les investisseurs craignent que le Portugal ait recours au fonds de stabilité. En effet, il a été confirmé lundi à Bruxelles qu’à partir de 2013, en cas d’insolvabilité d’un pays, le mécanisme permanent de soutien de la zone euro qui aurait prêté aux Etats en difficulté serait considéré comme créancier senior. Les autres investisseurs privés seraient des créanciers juniors. Autrement dit, ils seraient les derniers à récupérer de l’argent en cas de défaut. Même si cette clause ne doit en théorie s’appliquer qu’aux obligations émises à partir de 2013, elle suscite suffisamment de confusion et de crainte pour faire fuir certains investisseurs. Selon le Financial Times, certains fonds d’investissements comme M&G Investments ont ainsi annoncé qu’ils boycottaient la dette des Etats fragiles de la zone euro. En somme, en poussant les taux d’intérêt des obligations portugaises à la hausse, le marché accélère l’issue qu’il voulait éviter.

Un déficit plus élevé que prévu

Lisbonne pourrait d’autant plus se résigner à faire appel à l’aide extérieure que ses finances publiques sont encore plus dégradées que prévu : le Portugal pourrait en effet être contraint par l’office européen des statistiques Eurostat d’inscrire des dépenses supplémentaires à son déficit de 2010, qui serait ainsi revu en hausse par rapport à l’objectif prévu de 7,3% du PIB, rapportait la presse mercredi. Le déséquilibre des comptes publics portugais pourrait finalement “dépasser les 8%” du PIB, indique le quotidien économique Diario economico.

Laura Raim

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