La crise de l’euro est-elle terminée?

© ImageGlobe

Terminée la crise de l’euro? Même si les politiques concernés prétendent le contraire, la seule réponse correcte à cette question est non. Le président de la BCE Draghi a étouffé la crise de l’euro, mais son approche risque de lui revenir à la figure comme un boomerang.

Le sommet européen de la semaine passée à Bruxelles a repoussé le développement et le renforcement de la zone euro vers le sommet de la fin décembre, dans l’espoir que d’ici là un nouveau gouvernement allemand puisse participer pleinement aux discussions.

Des progrès ont été réalisés, mais le chemin à parcourir est encore très long. On accorde beaucoup de crédit à Mario Draghi, le président de la Banque Centrale européenne (BCE). Sa déclaration – “je ferai tout pour sauver l’euro et croyez-moi, ce sera suffisant” – de juillet 2012 constitue un jalon décisif dans la turbulente histoire de l’euro. Cependant, Draghi risque de plus en plus l’effet boomerang. L’impact énorme de ses propos et les plans qui ont suivi sont sans doute à l’origine de l’affaiblissement du sentiment d’urgence auprès des dirigeants politiques. Plus que jamais, il faut, en matière de guérison réelle de l’euro, une action politique pour remplacer la morphine de Draghi.

Où en est la crise de l’euro aujourd’hui? Au fond, la discussion telle qu’elle a lieu depuis presque cinquante ans autour du thème de l’union monétaire reste la même. Tout tourne autour de la question de comment éviter une déstabilisation de l’union monétaire. La poussée excessive de la dette et la perte de compétitivité auprès d’un ou plusieurs états membres constituent les sources les plus importantes de déstabilisation. Il y a deux façons de l’éviter : soit on choisit une intégration politique complète assortie de transferts importants de compétences nationales au niveau européen soit on opte pour une responsabilité poussée de la politique de chacun des états membres. Comme la première option touche la corde sensible de nombreux pays, on a surtout privilégié la seconde.

Jusqu’ici cet exercice de responsabilisation a largement échoué. Les normes budgétaires n’ont pas toujours été respectées. Lors de la crise récente, la clause de “no bail out” a été supprimée, ôtant un moyen de pression important d’imposer des modifications politiques aux états membres individuels. Si la Commission européenne semble disposer de compétences et de modalités d’intervention plus importantes qu’avant la crise, ce n’est en grande partie qu’une apparence. La menace d’amendes est politiquement contestée, c’est un non-sens économique juridiquement très contestable. Il reste trop de degrés de liberté dans toute la gouvernance de la zone euro et donc trop de possibilités d’excès. Les négociations douloureuses avec un pays comme la Grèce le prouvent à chaque fois.

La formation d’une union bancaire constitue un autre pilier important d’une structure institutionnelle solide. Une union bancaire durable se compose de trois éléments : un organe de surveillance européen, un mécanisme de résolution européen et une assurance dépôt européenne. Pour ce dernier point, nous ne sommes encore nulle part. Notamment l’Allemagne refuse d’en parler. Si on a déjà émis quelques vagues principes à ce sujet, il n’y a encore rien de concret. À certains moments, le mécanisme de résolution devra reprendre la compétence sur les banques importantes. Pour Paris, Berlin, Rome et Madrid, c’est très difficile.
En ce qui concerne la première composante, la supervision des banques, on a fait des progrès importants. La CEB contrôlera environ 130 banques systémiques. La relation entre la CEB et les régulateurs nationaux contient encore des imprécisions, mais le grand problème en matière du rôle de supervision de la CEB se trouve ailleurs. L’année prochaine, la CEB prévoit un contrôle intense de l’état des grandes banques (ledit asset quality control). Elle a clairement fait comprendre qu’elle voulait éviter la répétition de précédents ” stress tests”.

Un contrôle bancaire sévère implique également des risques. Il est très probable que de nombreuses banques systémiques affichent des déficits de capital. La disposition des marchés à procurer ces capitaux demandera des cours d’action qui reflètent les risques connus et moins connus cachés dans les bilans des banques, ce qui engendrera une forte opposition des actionnaires existants. Aussi, le besoin de capital sera souvent transféré à l’état. Mais que faire si ce gouvernement n’a plus de pouvoir budgétaire ? Partout, et certainement au sein de la CEB, on entend les noms de l’Espagne et de l’Italie même si la France n’est jamais très loin.

Dans son dernier numéro, l’hebdomadaire de qualité britannique The Economist écrit que “la crise euro s’est muée de crise aiguë en crise chronique”. Par définition, la crise chronique pèse également chroniquement sur les perspectives de la zone euro en matière de croissance, d’investissements et d’emploi. La classe politique commet une erreur de taille en affaiblissant le sentiment d’urgence autour de la crise de la zone euro.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content