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“LA BCE a lancé une bombe inaperçue du grand public”

L’événement de la semaine dernière n’était pas la poignée de main entre Trump et le leader nord-coréen mais la décision de la banque centrale européenne de mettre fin à plusieurs années d’argent gratuit. Autrement dit, c’est la fin des taux d’intérêt proches de 0%. Les taux vont donc remonter – c’est ce que nous dit Amid Faljaoui, notre chroniqueur éco.

La semaine dernière a été chargée sur le plan géopolitique – et c’est vrai que la poignée de mains entre Donald Trump et le jeune dictateur nord-coréen apparait comme l’événement phare. Pourtant, c’est loin d’être le cas en réalité. D’abord, parce que cette rencontre relève plus du show télévisé bien orchestré que d’une véritable avancée dans la dénucléarisation de la péninsule coréenne. La preuve, c’est que cette rencontre ne s’est soldée d’aucun engagement ferme, précis et définitif pour éliminer l’arme nucléaire de cette région.

En revanche, la semaine dernière, la BCE – banque centrale européenne – a lancé une bombe qui est passée inaperçue auprès du grand public. Pourtant, il a en indiqué que c’était la fin de l’argent gratuit, autrement dit des taux d’intérêt proches de 0% en zone euro.

Le président de la BCE a très clairement indiqué aux gouvernements de la zone euro qu’ils seront désormais livrés à eux-mêmes. Sous-entendu, ils ne pourront plus compter sur la BCE pour soutenir la croissance, réparer leurs éventuelles erreurs ou financer des budgets mal fagotés. C’est donc un discours totalement inverse à celui qu’a tenu Mario Draghi, le président de la BCE, il y a six ans.

A l’époque, le président de la BCE a volé au secours de l’euro lorsqu’il était attaqué par les marchés financiers, en disant que l’euro était irréversible et qu’il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour éviter la dislocation de la zone euro. Et c’est vrai : il a fait son maximum. La BCE a ramené artificiellement les taux d’intérêt à 0% voire même en territoire négatif pour favoriser la croissance. La BCE a même rompu l’orthodoxie allemande en achetant pour 2400 milliards d’euros de dettes publiques. Ce chiffre est énorme : c’est environ deux fois le PIB de l’Espagne, une fois le PIB de la France ou presque 5 fois le PIB de la Belgique !

Le président de la BCE a très clairement indiqué aux gouvernements de la zone euro qu’ils seront désormais livrés à eux-mêmes.

Mais voilà… 6 ans après, la banque centrale européenne, par la voix de son président Mario Draghi, estime qu’il est temps de laisser les taux d’intérêt remonter et revenir à des niveaux plus normaux. La BCE a donc décidé, la semaine dernière, de plus acheter de dette publique européenne à partir de la fin décembre 2018.

Quant à son taux d’intérêt principal, elle a assuré qu’il resterait encore bas jusqu’à l’été 2019. Mais après, en principe, c’est fini ! En clair, la fin de l’argent gratuit est programmée et les taux devraient reprendre la hausse comme aux Etats-Unis. Reste à voir si sur le plan humain, le résultat des efforts de la BCE seront jugés aussi satisfaisants.

Le dernier rapport de l’OCDE montre qu’il faudrait 180 années pour des pays comme la Belgique ou la France pour qu’un descendant de famille pauvre puisse atteindre le revenu moyen de son pays. C’est l’équivalent de 5 à 6 générations. Autrement dit, l’inégalité des chances a augmentée en zone euro et l’ascenseur social est clairement en panne.

Et ce n’est pas qu’une question de revenu, cela concerne tous les aspects sociaux-culturels : profession, éducation ou santé. Les enfants de cadres sont deux fois plus susceptibles de devenir cadres eux-mêmes que les enfants de travailleurs manuels. Et ça, c’est une régression dont on parle peu, trop peu.

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