L’inflation négative est-elle un danger?

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D’un mois à l’autre, les prix ont évolué négativement. Une première depuis cinq ans. Est-ce le signe que la Belgique a attrapé le virus japonais et risque de mettre 20 ans à sortir de cette déflation ? Pas encore.

C’est officiel, l’inflation est devenue négative : l’indice des prix à la consommation est passé dans le rouge pour la première fois depuis novembre 2009, l’inflation ayant baissé de 0,12% en septembre par rapport au même mois l’année précédente.

Trois remarques s’imposent d’emblée. D’une part, il s’agit de l’indice des prix calculé selon notre méthodologie nationale. L’indice des prix “harmonisé”, calculé selon des méthodes européennes permettant des comparaisons de pays à pays et qui entre en ligne de compte pour l’estimation de l’inflation dans la zone euro, devrait rester positif. En août par exemple, alors que l’indice des prix belge était quasiment stable (+0,02%) l’indice harmonisé calculé “à l’européenne” affichait pour notre pays une hausse de 0,4%. Les derniers chiffres d’inflation disponibles pour la zone euro et qui ont été publiés ce mardi font état d’une inflation de 0,3% dans la zone euro. C’est peu, mais c’est encore “dans le vert”.

En outre, l’indice santé, qui reste le point de référence pour les loyers, les salaires, etc… n’a pas (encore) franchi la ligne rouge : il affiche une quasi-stagnation (+0,03%, contre +0,02% en août).

Enfin, la baisse est alimentée par les prix alimentaires (le prix des fruits frais a chuté de près de 6% en un mois) et aussi par un effet saisonnier sur certains produits (billets d’avions, etc..) qui avaient augmenté en mai et juin et qui retombent une fois passées les vacances d’été.

Cette inflation négative fait des heureux, en arrêtant l’évolution des prix des loyers par exemple. Et des malheureux, en stoppant la hausse des salaires bruts et des allocations : certains salaires bruts, calculés sur l’évolution d’une moyenne pondérée de l’indice santé, affichent même de légers reculs (les travailleurs des cimenteries, du secteur du commerce, du secteur financier, et de l’énergie.. par exemple).

Piège japonais

Ces chiffres raniment aussi le débat sur la déflation. Sommes-nous entrés dans cette spirale déflationniste qui piège le Japon depuis 20 ans ? Ou s’agit-il simplement d’un mécanisme de faible inflation, qui finalement serait bon pour l’économie ?

Les tenants de cette interprétation optimiste mettent en avant le fait que l’inflation sous-jacente, qui exclut les prix des produits alimentaires et de l’énergie, reste largement positive : +0,9% en août (les chiffres de septembre ne sont pas encore connus). Cela signifie que la baisse de l’inflation n’est causée que par quelques produits (énergie et alimentation surtout). La baisse des prix n’est donc pas générale. Elle n’affecte qu’environ 20% des produits, alors qu’au Japon, où la déflation est bien réelle, la baisse touche près de la moitié des produits.

En outre, cette baisse ne témoigne pas d’un effondrement de la demande, mais peut s’expliquer en partie par les gains de productivité et par l’irruption, dans le domaine de l’énergie, de certaines innovations comme celles qui permettent d’exploiter le gaz et le pétrole de schiste.

Toutefois, les pessimistes ne sont pas de cet avis. Ils pensent que nous sommes entrés dans une vraie spirale déflatoire, qui se caractérise par une longue baisse générale des prix. Il est vrai que l’indice des prix constaté sur le terrain, aux étalages des magasins et qui est relevé par Comeos (le lobby du secteur du commerce) est en recul depuis six mois. On ne se trouve donc plus dans un accident statistique, mais dans une tendance lourde, qui affecte d’ailleurs déjà fortement la rentabilité du secteur du commerce dont les faillites se multiplient.

En outre on observe aussi que la déflation commence à affecter certains salaires, et donc à peser, certes très marginalement, sur la consommation des ménages.

La seule manière de départager les deux camps est d’attendre. Si la baisse des prix devient générale, affecte les revenus des ménages et que ceux-ci réagissent en reportant leurs achats, nous entrons dans une période de déflation. Si elle est la traduction de la globalisation de l’économie et de certains gains de productivité, elle n’est pas un danger. Nous devrions avoir la réponse d’ici six mois.

Pierre-Henri Thomas

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