Daan Killemaes

‘L’impôt sur la plus-value existe déjà, il s’élève à 50%’

Daan Killemaes Economiste en chef de Trends Magazine (NL)

Taxer les plus-values, pour l’État, c’est facile; en créer, c’est plus compliqué. L’emploi plus efficace des moyens publics, comme le demande Jef Colruyt, demeure un chantier qui n’a pas été plus loin que les premiers coups de pioche, affirme Daan Killemaes, rédacteur en chef du Trends néerlandophone.

“Environ la moitié de la valeur ajoutée que nous avons créée est revenue à la communauté par l’intermédiaire des pouvoirs publics. Nous demandons donc que ces derniers emploient efficacement ces moyens et créent un cadre stable qui nous permettra de continuer d’évoluer ensemble de manière durable”, écrivait Jef Colruyt en juin 2016 dans la préface du rapport annuel de sa chaîne de supermarchés. Il donnait une priorité à l’amélioration des infrastructures de transport au service de notre mobilité collective.

Relevons les mots ‘valeur ajoutée’. Il ne s’agit pas de la taxe sur la plus-value actuellement à l’agenda du gouvernement, mais de l’impôt sur la valeur ajoutée que toute entreprise génère au quotidien. Économiquement, cela revient en fait à la même chose. La plupart des entreprises versent environ la moitié de leur valeur ajoutée à l’État. Cela correspond logiquement à la part des dépenses publiques dans l’économie belge, qui s’élève à plus de 50%. L’impôt sur la plus-value existe en fait déjà en Belgique. Il s’élève à 50%.

Troisième chien dans le jeu de quilles

Cette plus-value ou valeur ajoutée est la différence entre le chiffre d’affaires d’une société et les coûts d’achat qu’une entreprise fait pour rendre ce chiffre d’affaires possible. Grâce à la valeur ajoutée, une entreprise comme Colruyt peut rémunérer les personnes qui permettent à cette valeur ajoutée d’exister: les employés et les bailleurs de fonds. Mais il y a encore un troisième chien dans le jeu de quilles, les pouvoirs publics, car grâce à cette valeur ajoutée, une entreprise peut également payer des impôts. Colruyt fait chaque année l’exercice d’établir la manière dont la valeur ajoutée est répartie entre les pouvoirs publics, les employés et les pourvoyeurs de capitaux.

Le plus glouton des trois est l’État. Sur une valeur ajoutée de 1,94 milliard d’euros, la société a payé 951 millions d’euros en impôts, répartis en un tiers de cotisation pour la sécurité sociale, un tiers de TVA et un tiers d’impôts des sociétés et des personnes physiques. Les employés ont reçu en net 33,4% de la valeur ajoutée. Pour les investisseurs, il restait 17,6%. Il est possible qu’un véritable impôt sur la plus-value vienne encore s’ajouter à cela, alors qu’une augmentation de la valeur de l’entreprise est un reflet de la prévision selon laquelle elle générera davantage de valeur ajoutée, et donc qu’elle paiera davantage d’impôt à l’avenir. Un impôt sur la plus-value est donc un impôt sur les futurs impôts. La gauche qualifie un tel impôt d”équitable’.

Ne pourrions-nous pas échanger Donald Trump contre Kris Peeters pendant quelques mois ? Tant les États-Unis que la Belgique s’en porteraient mieux…

Les employés de Colruyt se retrouvent à leur tour plumés, car l’impôt sur leur valeur ajoutée est aussi de presque 50%. Pour chaque montant de 100 euros que Colruyt paie en coûts salariaux, la personne en tablier gris à la caisse reçoit 57 euros net sur son compte. 31 euros vont vers la sécurité sociale, 12 euros vers le trésor de l’État via l’impôt des personnes physiques. Pour chaque entreprise ou pour chaque employé, le décompte est bien sûr différent, mais la conclusion de base reste la même: même après le tax shift, les pouvoirs publics appliquent aux revenus du travail une presse à citron de top qualité.

Trump

Une réforme fiscale en profondeur reste entre-temps coincée entre le rêve de l’intérêt général et la réalité du lobby fiscalité. Mais comptez votre bénéfice si vous rendez la fiscalité belge plus favorable à la croissance (par la poursuite du glissement des charges du travail et du capital vers la consommation et l’immobilier), plus équitable et plus efficace (en élargissant la base imposable et en diminuant les taux) et si, finalement, vous la diminuez.

Mais les entrepreneurs pourront déjà être contents si une réforme de l’impôt des sociétés se fait, et remet la Belgique dans la course. Les autres pays ne restent pas sans rien faire. La semaine dernière, Donald Trump a mis une diminution de l’impôt des sociétés à 15% sur la table, bien que personne ne sait comment les États-Unis vont financer celle-ci. Les plans de Trump risquent en outre de renforcer les inégalités. En Belgique, c’est précisément l’inverse. La richesse n’est quasi nulle part ailleurs davantage redistribuée que chez nous. Ne pourrions-nous pas échanger Donald Trump contre Kris Peeters pendant quelques mois ? Tant les États-Unis que la Belgique s’en porteraient mieux.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content