“L’excédent commercial record va attiser le conflit avec les USA et l’UE”

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L’Allemagne a annoncé jeudi un excédent commercial annuel record grâce à des exportations à un niveau jamais vu, ce qui risque d’apporter de l’eau au moulin des critiques de la politique économique d’Angela Merkel, celles de Donald Trump en premier lieu.

La première économie européenne a en 2016 exporté pour 252,9 milliards d’euros de plus qu’elle n’a importé, a indiqué l’Office fédéral des statistiques. C’est davantage qu’en 2015, où ce solde était ressorti à 244,3 milliards d’euros. Depuis la crise financière de 2008-2009, ce chiffre n’a cessé d’augmenter.

L’Allemagne importe aussi de plus en plus (+0,6% à 954,6 milliards d’euros), achetant à l’étranger par exemple des produits agricoles, du gaz naturel, des vêtements ou des appareils informatiques. Mais le succès en dehors de ses frontières du “Made in Germany”, machines-outils, produits chimiques et surtout voitures est encore plus grand, puisque les exportations ont augmenté de 1,2% à 1.207,5 milliards d’euros, également un niveau jamais vu jusqu’à présent.

“L’excédent commercial record va attiser le conflit avec les Etats-Unis et l’Union européenne” qui accusent régulièrement l’Allemagne de profiter des autres pays en y écoulant ses produits, sans en retour faire assez pour doper sa consommation intérieure, ce dont pourraient profiter ces derniers, juge l’économiste Marcel Fratzscher, de l’institut DIW.

A ses yeux il n’y a dans ce nouveau record “aucune raison d’être fier”. Les excédents de l’Allemagne constituant souvent les déficits de ses principaux partenaires.

L’Allemagne reste loin devant des pays comme le Brésil, qui a enregistré un excédent commercial record aussi en 2016, mais de 47,7 milliards de dollars, ou du Japon, qui a dégagé son premier excédent commercial depuis 2010, à plus de 33 milliards d’euros.

Celui de la Chine a certes reculé, mais reste à 510 milliards de dollars. La France a en revanche creusé son déficit commercial, à 48,1 milliards d’euros.

Friands de voitures allemandes, les Etats-Unis, supplantant il y a quelques années la France comme premier partenaire commercial de l’Allemagne, ont eux aggravé leur déficit commercial, à 502,2 milliards de dollars.

C’est là que le bât blesse pour le nouveau président Donald Trump parti dans une campagne pour ramener emplois et production sur le sol américain.

Importations trop faibles

Son administration a l’Allemagne en ligne de mire. Fin janvier, un des conseillers de Donald Trump, Peter Navarro, a accusé Berlin “d’exploiter” d’autres pays de l’Union européenne et les Etats-Unis avec un euro “grossièrement sous-évalué” rendant ses produits artificiellement plus compétitifs.

La chancelière Angela Merkel a rejeté cette critique, rappelant ne pas avoir d’influence sur la politique monétaire de la Banque centrale européenne, élaborée pour l’ensemble de la zone euro. Le ministre des Finances Wolfgang Schäuble a même souligné “ne pas être un grand fan” de la politique actuelle de la BCE qui rogne l’épargne des Allemands par des taux très bas.

Si la charge de Donald Trump est plus brutale, les critiques à l’égard des excédents allemands ne sont pas nouvelles.

Avant lui, Barack Obama, le Fonds monétaire international (FMI), la Commission européenne ou des pays comme la France avaient critiqué l’excédent commercial allemand, réclamant d’utiliser cette manne d’argent pour investir en retour.

Plus que l’importance des exportations, Marcel Fratzscher pointe comme source du problème plutôt “la faible progression des importations, résultat d’un gros manque d’investissements”, qui a “un coût économique élevé pour l’Allemagne”, notamment en réduisant sa productivité, alors qu’à l’inverse, des investissements plus élevés “profiteraient aux voisins européens”.

La question du manque d’investissement dans un pays vieillissant, est source de controverses régulières en Allemagne même.

Les conservateurs d’Angela Merkel insistent sur l’importance de ne pas créer de nouvelles dettes, tandis les sociaux-démocrates réclament d’utiliser les excédents budgétaires pour renforcer les infrastructures. Ce sera un enjeu important en vue des élections législatives de septembre.

L’Etat allemand, fort de rentrées fiscales en hausse et d’un allègement du poids de la dette grâce aux faibles taux d’intérêt, a tout de même fortement accru ses dépenses ces dernières années, pour financer l’accueil des réfugiés en particulier.

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