L’Europe mise beaucoup sur la supervision bancaire

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La BCE va se voir confier la supervision de l’ensemble des banques de la zone euro, selon un projet de la Commission. Le dispositif devrait permettre de consolider l’Union monétaire sur le long terme, même si beaucoup de détails restent flous.

L’Europe n’a plus à retenir son souffle.La Cour constitutionnelle allemande vient de valider le pacte de stabilité. Mais pour le président de la Commission européenne José Manuel Barroso, il y a d’autres chantiers tout aussi importants. La simple coordination bancaire ne suffit plus, explique-t-il. L’Europe a besoin d’une supervision commune des banques. C’est une priorité absolue. La Commission européenne a donc détaillé aujourd’hui les grandes lignes de son projet en la matière. A première vue, c’est encore un dispositif compliqué. Mais il est pourtant vital pour la zone euro. Explications.

Quelles sont les principales mesures annoncées?

C’est à la BCE que sera confiée la supervision de l’ensemble des banques de la zone euro. La banque centrale aura la responsabilité d’accorder et retirer leur licence aux établissements de crédit. Elle sera également chargée d’imposer aux banques certains niveaux de fonds propres, voire de liquidités, et de vérifier qu’elles s’y conforment. La BCE pourra imposer des amendes ou des pénalités aux institutions qui ne respectent pas ses décisions. Elle pourra exiger des institutions bancaires toutes les informations dont elle a besoin, et mener des inspections dans leurs locaux, y compris sans les prévenir. Les autorités de supervision des pays de la zone euro l’assisteront dans ces tâches. La BCE devra rendre compte régulièrement de ses activités de supervision devant le Parlement européen et l’Eurogroupe. Afin d’éviter tout conflit d’intérêt avec les autres activités de la Banque centrale, la tâche de supervision sera confiée en son sein à un conseil de supervision. Son président et son vice-président seront issus du conseil des gouverneurs de la BCE, et ses autres membres proviendront à la fois de la Banque centrale européenne et des autorités nationales de supervision (les banques centrales nationales dans la plupart des cas).

Pourquoi ce nouveau dispositif ?

La création d’une autorité unique de supervision bancaire peut sembler futile à première vue. Elle est pourtant cruciale pour l’avenir de la zone euro. Pour l’économiste Sylvain Broyer, la supervision bancaire est comparable pour l’Europe à un pas de géant. Grâce à des “reportings”, la BCE va pouvoir en savoir davantage sur les pratiques des banques dans les pays européens. Ces informations permettront sans doute de diminuer les risques de crise. Par ailleurs, la supervision bancaire est la première étape menant à l’union bancaire. Cela veut dire qu’on va avoir, à terme, des règles communes pour les banques. Enfin, la création d’une autorité unique de supervision bancaire est aussi la condition pour que le futur fonds de sauvetage permanent de la zone euro, le MES, puisse prêter directement aux banques sans passer par les Etats. Ce dispositif est vital. Il doit permettre d’éviter aux gouvernements européens de se retrouver pris en otages et de devoir prendre à leur charge le renflouement des banques, sans lesquelles l’économie ne peut plus fonctionner. Bien entendu, le dispositif concerne de près l’Espagne, à qui la zone euro s’est engagée à prêter jusqu’à 100 milliards d’euros pour venir en aide à ses banques.

Quand la supervision bancaire sera- t-elle opérationnelle?

Michel Barnier, commissaire européen chargé du Marché intérieur, a indiqué que le dispositif s’appliquerait à l’ensemble des 6.000 banques de la zone euro à partir du 1er janvier 2014, après une mise en place progressive dès janvier 2013. Selon lui, toutes les banques faisant l’objet d’un soutien public via le Mécanisme européen de stabilité (MES) seront concernées à partir du 1er janvier 2013. Mais ce discours est peut-être un peu trop optimiste. Le texte ne pourra être approuvé qu’à l’unanimité des 27 Etats membres. Or de nombreux détails restent à négocier.

En précisant le rôle de la BCE, on a commencé par la partie la plus facile, explique un expert. Parmi les questions à trancher figure celle du sort de banques de la zone euro ayant des succursales dans des pays n’en faisant pas partie: Bruxelles doit trancher concernant l’autorité chargée de superviser ces succursales.

Autre question, “la représentation de la BCE au sein de l’EBA (l’Autorité bancaire européenne) créée début 2011 et qui fera partie elle aussi du dispositif. Est-ce qu’on garde un siège pour chacun des 17 pays de la zone euro ou est-ce que la BCE représente l’ensemble de ces pays”, explique une source proche du dossier, pour qui “cette deuxième solution inquiète les Britanniques”. Il faut trouver “une articulation intelligente avec l’EBA pour ne pas l’affaiblir” et pousser les Britanniques à demander une dérogation sur la supervision bancaire, selon la même source.

Il faudra aussi trouver un compromis avec l’Allemagne qui voudrait que le futur superviseur ne s’occupe que des grandes banques et pas des caisses d’épargne locales ou des banques régionales. Mais ce n’est pas tout. Nous n’en sommes encore qu’à la première étape des discussions : celle qui précise le cadre théorique de la supervision bancaire. A terme, il faudra aussi discuter des moyens opérationnels, à savoir la création d’un fonds pour la garantie des dépôts et le renflouement des banques en faillite. Ces deux points promettent encore de longues discussions. L’Allemagne, par exemple, est extrêmement réticente à donner des fonds pour financer les banques d’autres pays.

La supervision bancaire règle-t-elle tous les problèmes de la zone euro?

Bien sûr que non. La supervision bancaire n’est qu’un des éléments d’une Europe plus intégrée, au même titre que le MES, la règle d’or et le plan de rachat de titres de la BCE. La supervision bancaire consolidera l’Union monétaire sur le long terme. Mais elle n’est pas encore opérationnelle et la crise de la dette que traverse le Vieux continent n’est pas terminée. ” La probabilité de sortie de la Grèce est toujours de 30% “, rappellent les experts de Berenberg. Certes, la Cour constitutionnelle allemande a rendu un avis positif sur le mécanisme européen de stabilité, ce qui a soulagé les marchés. Mais plusieurs pays vont sans doute rater leurs objectifs budgétaires cette année. Par ailleurs, l’Espagne n’a toujours pas demandé de sauvetage officiel pour des raisons politiques. Le fera-t-elle à temps ? Pas sûr, Madrid avait déjà bien tardé à reconnaître la très mauvaise situation des banques. Bref, même si l’Europe avance, d’autres turbulences sont encore à prévoir.

Sébastien Julian, L’Expansion.com

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