L’Estonie adopte l’euro : faut-il vraiment s’en réjouir ?

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L’Estonie est devenue le 17e membre de la zone euro. Une adhésion qui représente un véritable aboutissement pour le pays. Mais le moment est mal choisi. Car l’économie du Tigre balte reste très fragile.

Ironie du sort, alors que certains pays envisagent de sortir de la zone euro, l’Estonie vient tout juste d’en devenir le 17e membre. Le 1er janvier 2011, une nouvelle page monétaire s’est tournée pour le Tigre balte. La troisième en l’espace de 20 ans. Après le rouble sous l’ère soviétique, puis la couronne estonienne depuis 1992, la devise européenne sera désormais la troisième monnaie en circulation. Le gouvernement estonien assure que le changement se fera sans aucune difficulté. Mais plus de 50 % la population doutent.

Les experts de l’OFCE tentent d’être rassurants. “Certes, l’Estonie s’est résolument tournée vers l’Europe depuis plus de 20 ans: en matière monétaire, via le currency board et le renoncement à l’autonomie de sa politique monétaire, expliquent-ils. En matière commerciale également, puisque l’Estonie réalise les deux tiers de ses exportations vers l’Union européenne. Et enfin en matière budgétaire, par le biais d’une politique rigoureuse”.

Autant d’efforts qui ont porté leurs fruits puisqu’ils ont permis au pays de remplir les critères de Maastricht. Concrètement, l’Estonie a réussi à maintenir sur la période d’évaluation, qui a couru d’avril 2009 à mars 2010, aisément un taux de change fixe vis-à-vis de l’euro, même au plus fort de la crise. Pour ce qui est du solde budgétaire, il est longtemps resté inférieur à 3% du PIB. Quant à la dette publique, elle est bien inférieure à 60% du PIB. Enfin, Tallinn a réussi à contenir l’inflation, dont le niveau trop élevé l’avait empêché, en 2007, d’intégrer la monnaie unique.

L’Estonie ? Un pays pauvre…

Sauf que Derrière ces signes apparents de bonne santé, la réalité économique du Tigre de la Baltique est bien plus fragile. Après plusieurs années de croissance soutenue, la crise financière a considérablement ébranlé le pays. Preuve : le PIB a reculé de 13,9% en 2009, faisant de l’Estonie le deuxième pays d’Europe le plus touché par les turbulences financières et économiques après la Lituanie.

Si depuis, elle a retrouvé le chemin de la croissance (+2,4% en 2010), son seul levier de croissance reste la demande extérieure. Car avec un taux de chômage extrêmement élevé – 17,9% de la population en âge de travailler étaient en octobre sans emploi, la demande domestique est atone. Et elle devrait le rester cette année. La dette privée des ménages trop élevée ne devrait pas les inciter à recourir au crédit pour consommer plus, d’autant que les salaires continuent de baisser.

Et à l’évidence, l’Estonie reste pauvre. Le revenu net médian par habitant a certes plus que doublé entre 2004 et 2008, mais il ne représente que 6333 euros par an, soit seulement 33% de la moyenne de la zone euro en 2008. Sans compter que presque 20% de la population vit encore en dessous du seuil de pauvreté.

Mais le plus grand défi à venir reste de loin l’inflation. En octobre, la hausse des prix a atteint 4,5% contre 2,1% dans la zone euro, conséquence de l’envolée plus forte des cours des matières premières agricoles et énergétiques que dans la zone euro. Et selon les experts de l’OFCE, dans les prochaines années, ce différentiel de prix entre l’Estonie et la zone euro devrait continuer de s’accroître.

Si l’intégration de l’Estonie représente un véritable aboutissement pour le pays, malheureusement pour le Tigre balte, le moment est mal choisi. N’oublions pas que la crise grecque et irlandaise n’est toujours pas réglée. Mais surtout, le cas estonien prouve que les critères de Maastricht montrent une fois de plus leurs limites.

Danièle Licata, L’Expansion.com

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