L’Espagne craque de partout

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Une récession qui s’aggrave et des mouvements sociaux qui se durcissent sous le poids de l’austérité, des marchés qui s’affolent et la Catalogne qui menace de faire sécession: tout est réuni pour que le premier ministre espagnol, Mariano Rajoy, accepte enfin l’aide de l’Europe.

Le refus obstiné du premier ministre espagnol Mariano Rajoy de solliciter l’aide de l’Europe touche probablement à sa fin. Les difficultés ne cessent en effet de se multiplier dans le pays et la pression des marchés est repartie de plus belle. Le taux d’emprunt à 10 ans est repassé mercredi au dessus de la barre des 6%. Et la Bourse de Madrid abandonnait 3,92%, entraînant les autres places européennes dans son sillage. A Paris, le CAC 40 a par exemple cédé 2,82% à 3.414,84 points, tandis que Francfort sombrait de 2%.

“Nous assistons à une succession de mauvaises nouvelles en Espagne qui doit se battre pour redresser son économie, mais aussi contre ses propres régions”, relève Nordine Naam, stratégiste obligataire chez Natixis.

Le pays s’enfonce dans la récession

“Les données disponibles pour le troisième trimestre de l’année suggèrent que le produit intérieur brut a continué à baisser à un rythme significatif, dans un contexte de tension financière toujours très élevée”, a indiqué la Banque d’Espagne dans son bulletin mensuel. La quatrième économie de la zone euro a renoué avec la récession au dernier trimestre 2011, moins de deux ans après en être sortie, et a vu son PIB reculer de 0,3% au premier trimestre, puis de 0,4% au deuxième. Le gouvernement table sur un recul du PIB de 1,5% en 2012, puis de 0,5% en 2013, mais ces prévisions sont jugées optimistes par les analystes: le Fonds monétaire international (FMI) prévoit -1,7% en 2012, puis -1,2% en 2013, tandis que Standard & Poor’s attend -1,8% en 2012 et -1,4% en 2013. Conséquence: un nouveau dérapage budgétaire est en vue.

La contestation sociale se durcit

Des affrontements d’une rare violence ont éclaté mardi soir à Madrid entre policiers et manifestants du mouvement des indignés qui s’étaient rassemblés par milliers aux abords du Congrès des députés, aux cris de “démission”, pour dénoncer une “démocratie séquestrée” par les marchés financiers. Après des mois de manifestations le plus souvent calmes, encadrées par les syndicats, les scènes d’émeutes mettant aux prises des groupes de jeunes cagoulés aux forces de l’ordre, même si elles restent marginales, traduisent une exaspération grandissante. “Une partie grandissante de la population est contre la politique de rigueur. Il sera difficile pour le pays de concéder de nouvelles mesures d’austérité en échange d’un éventuel plan de sauvetage”, souligne M. Naam. “Le marché va donc mettre encore plus la pression sur le pays pour que celui-ci demande une aide et permette le déclenchement du programme de rachats de dette de la Banque centrale européenne”, ajoute-t-il.

La Catalogne tentée par la sécession

Le président de la Catalogne, Artur Mas, qui a convoqué mardi des élections régionales anticipées, a affirmé mercredi qu’il entendait organiser un référendum sur l’autodétermination de cette région espagnole, avec l’accord de Madrid ou non. Artur Mas s’appuie sur une poussée indépendantiste de la région face à la crise qui s’est traduite par une manifestation monstre en faveur de l’indépendance qui avait envahi les rues de Barcelone le 11 septembre. Il a annoncé des élections anticipées après la fin de non recevoir opposée par le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, à une plus grande autonomie budgétaire, estimant que la Catalogne est lésée dans le système actuel. Ancien moteur économique du pays, la Catalogne, peuplée de 7,5 millions d’habitants, est désormais la région la plus endettée du pays, avec une ardoise de presque 44 milliards d’euros, soit 22% de son PIB. Elle a dû se résoudre fin août à demander une aide financière de 5 milliards d’euros à un fonds d’aide mis à disposition des 17 régions par l’Etat central. Elle n’est pas la seule. Après Valence et de Murcie, l’Andalousie a annoncé mardi qu’elle allait demander une aide de 4,9 milliards d’euros.

Rajoy prêt enfin à demander à l’aide?

Mis sous pression de tous les côtés, Mariano Rajoy, qui s’est toujours refusé à parler de “sauvetage”, a fait un nouveau pas, dans un entretien au Wall Street Journal: si les taux d’emprunt de l’Espagne se maintenaient à un niveau “très élevé pendant trop longtemps”, mettant en danger l’économie du pays et alourdissant sa dette, “je peux vous assurer à 100% que nous demanderions ce sauvetage”, a-t-il dit. Mais les conditions draconiennes imposées par Bruxelles, l’addition de 150 milliards d’euros d’économies prévues entre 2012 et 2014 pour réduire le déficit public à moins de 3%, alors que le pays ploie sous un chômage de 24,63%, font monter le mécontentement social.

Il a toutefois précisé qu’il ne pouvait pas se prononcer maintenant sur cette demande d’aide auprès de ses partenaires européens. “Je ne peux pas en parler pour le moment”, a-t-il dit, ajoutant qu’il fallait voir si les conditions liées au sauvetage s’avéraient “raisonnables”.

Le gouvernement espagnol va dévoiler jeudi son budget pour l’an prochain et un nouveau train de mesures, qui comprendra une réduction des possibilités de retraite anticipée et la création d’une autorité fiscale, a également indiqué M. Rajoy. Problème, le remède risque de s’avérer pire que le mal La présidente du FMI, Christine Lagarde, a ainsi dénoncé l’excès de rigueur en Espagne.

Trends.be, avec Belga

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