L’économie sud-africaine est elle vraiment dopée par le foot ?

© Reuters

La Coupe du monde de football démarrera le 11 juin dans un pays qui a enregistré une croissance de 4,6 % au premier trimestre de 2010, après une récession de – 1,8 % en 2009. Un effet ballon rond ? Pas si sûr…

Pour Pravin Gordhan, ministre des Finances sud-africain, la chose est entendue : la Coupe du monde de football apportera 0,5 point de croissance à une hausse de PIB qui atteindrait 2,3 % en 2010. Problème : l’effet positif de la Coupe du monde sur l’activité d’un pays n’est absolument pas avéré. Une étude menée par Bank of America-Merrill Lynch sur la période 1954-2006 montre que les pays organisateurs ont en moyenne enregistré pendant l’année de la compétition une croissance économique inférieure à leur rythme habituel :

L’Afrique du Sud est toutefois assurée de déroger à cette règle. Essentiellement en raison de la crise mondiale, qui a plongé le pays dans la récession au dernier trimestre de 2008, et ce, pour la première fois en 17 ans. Après avoir renoué avec une légère croissance (+ 0,9 %) au troisième trimestre de 2009, la tendance s’est confirmée en fin d’année dernière (+ 3,2 %) avant d’accélérer encore à + 4,6 % au premier trimestre de 2010. L’industrie (automobile, agroalimentaire) et les mines (or, platine, charbon) ont été les plus gros contributeurs à la croissance, devant le commerce et le tourisme.

C dynamisme n’a pourtant pas freiné les licenciements. L’Afrique du Sud, où deux adultes sur cinq sont inactifs selon l’OCDE, a supprimé environ un million d’emplois en 2009, dont 170.000 au dernier trimestre.

Les raisons de ce paradoxe ? D’une part, on sait que les visiteurs étrangers seront moins nombreux que prévu : 250.000 environ, contre 450.000 initialement attendus. L’impact sera donc assez faible, juste de quoi permettre au pays de franchir la barre des 10 millions de touristes en 2010, contre 9,9 millions en 2009. En cause : le coût élevé des billets d’avion pour se rendre en Afrique du Sud, d’abord. Mais aussi les appréhensions liées à une forte criminalité, ainsi que le système de réservations de chambres imposé par la société spécialisée Match, partenaire de la Fédération internationale de football.

L’effet consommation, en outre, est souvent un effet de court terme. D’après les économistes, il se traduit surtout par une anticipation d’achats qui auraient eu lieu quoi qu’il arrive. Or, cet effet de substitution se constate en particulier dans les pays organisateurs les plus pauvres. De plus, il pourrait profiter autant aux produits importés qu’à ceux produits localement…

Pour la banque JP Morgan, qui applique traditionnellement à chaque grande compétition de football l’analyse quantitative qu’elle utilise pour l’évaluation des valeurs de marchés, ce n’est donc pas l’Afrique du Sud qui profitera le plus de sa Coupe du monde, mais… l’Angleterre. Car c’est elle qui devrait remporter la compétition, compte tenu d’un tableau favorable, même si le Brésil détient “l’équipe la plus forte” avec l’Espagne.

Reste donc à l’Afrique du Sud à se consoler avec une inflation qui continue de décliner, à 4,8 % en avril contre 5,1 % en mars. Elle avait atteint son plus haut niveau depuis six ans en août 2008, à 13,7 %. A moins que l’effet Coupe du monde n’inverse la tendance. Car les prix pourraient repartir à la hausse dans le commerce et les secteurs touristiques à la faveur de la compétition. Ce qui reporte d’autant une nouvelle baisse des taux directeurs, comme en début d’année, pour soutenir la croissance…

Danièle Licata, L’Expansion.com

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