L’économie espagnole, insensible au blocage politique

Le conservateur Mariano Rajoy se présentera à l'investiture le 30 août, sans aucune garantie de réussite. © AFP

L’Espagne se débat depuis huit mois dans une impasse politique qui n’empêche pas l’économie de progresser grâce à la consommation des ménages, l’internationalisation de ses grandes entreprises et la politique de la Banque centrale européenne, selon des analystes.

Près de deux mois après les élections législatives du 26 juin, les partis politiques commençaient à peine vendredi à négocier pour former un nouveau gouvernement. Le conservateur Mariano Rajoy se présentera à l’investiture le 30 août, sans aucune garantie de réussite, pour tenter d’éviter un nouveau scrutin. Ce serait le troisième en un an.

Pour le moment, “il y a peu de signe que ceci a un impact significatif” sur l’économie, indique Miguel Cardoso, économiste en chef de BBVA Research pour l’Espagne, à l’AFP.

En 2015, l’économie espagnole a été une des plus dynamiques des grands pays de la zone euro, avec une croissance de 3,2%, et accumule 12 trimestres consécutifs de hausse du produit intérieur brut depuis la sortie d’une profonde crise économique.

Cette dynamique, ajoute Miguel Cardoso, est stimulée par les dépenses des ménages, un des facteurs “les plus solides de l’économie espagnole”. BBVA Research prévoit “une croissance relativement forte” de ces dépenses, d’environ 3% sur un an au deuxième semestre.

Parallèlement, le chômage reflue. Mais à 20% de la population active au deuxième trimestre, il reste le plus important de la zone euro après la Grèce.

L’économie espagnole, la quatrième de la zone euro, a bénéficié comme ses voisines de la politique de la Banque centrale européenne (BCE). Avec ses rachats massifs de dettes publiques et privées et ses taux d’intérêt historiquement bas, l’institut offre des conditions de financement très favorables à l’Etat et aux entreprises.

“L’effet de l’intervention de la BCE a été deux fois plus fort en Espagne que dans d’autres pays”, autant pour les entreprises étranglées financièrement au pire de la crise entre 2008 à 2013, comme pour l’Etat dont le taux d’emprunt à 10 ans est passé sous 1%, constate José Carlos Diez, professeur en économie de l’université d’Alcala.

Carolina Morcos, analyste chez Renta4, explique que “les secteurs régulés sont les plus affectés”, par l’incertitude politique, citant l’énergie et la construction.

Un représentant du secteur énergétique ayant requis l’anonymat reconnaît qu’il y a de nombreuses questions en suspens, par exemple l’avenir des énergies renouvelables “auquel le blocage politique n’offre pas de solution, ni en bien, ni en mal”.

Du côté de la construction, le gouvernement a réduit les investissements dans les travaux publics ces derniers mois afin de réduire le déficit public. Ce déficit, de 5,1% du PIB en 2015, doit repasser sous les 3% en 2018 pour satisfaire la Commission européenne. Mais les groupes de BTP comme ACS, Acciona, Ferrovial, FCC ou OHL ont déjà cherché leur salut à l’étranger quand l’explosion d’une bulle immobilière en 2008 a paralysé la construction en Espagne.

D’autres signes sont plus inquiétants. Victoria Torre, analyste chez Self Bank, relève que “les volumes des échanges sont très bas” à la Bourse de Madrid, en dépit de la croissance économique.

Miguel Cardoso estime que “cette année, l’incertitude politique devrait amputer d’environ trois dixièmes la croissance économique”. Le gouvernement table sur 2,9% pour 2016. Le temps presse, avertit-il. Un choc externe ne peut pas être exclu et pour y faire face, “nous avons besoin d’un gouvernement capable de prendre des mesures”.

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