L’échec du sommet sur le budget européen est-il si grave?

© Reuters

Berlin et Paris avaient prévenu : un compromis était difficile à trouver sur le budget européen. Sans surprise, le sommet consacré à la question s’est donc soldé par un échec. Mais est-ce vraiment si grave ? Trends.be fait le point.

Pas de quoi fouetter un chat. A écouter les diplomates européens présents lors des négociations, l’échec du sommet sur le budget n’est pas grave. Il était d’ailleurs largement anticipé. Avant même la fin du dernier round de négociations, certaines voix s’élevaient pour rappeler qu’il n’y avait pas urgence à arrêter, dès maintenant, le budget pluriannuel. Angela Merkel elle-même avait préparé le terrain dans la matinée en disant : j’ai toujours dit que ce n’était pas dramatique si nous considérons la journée d’aujourd’hui comme une première étape” et “si nous avons besoin d’une deuxième étape, alors nous devons nous donner le temps pour cela”.

Pas grave donc. En plus, le budget en question – 973 milliards d’euros – est relativement petit. Il représente à peine 1% du PIB de l’Union sur la période de 7 ans. ” Il est 40 fois plus petit que l’addition des budgets nationaux ” calcule Alain Lamassoure, président de la commission des Budgets du Parlement européen. Même s’il n’y a pas eu d’accord, l’économie européenne continuera donc de fonctionner.
En fait, le seul enjeu du sommet semblait être politique : à l’issue des négociations, les medias devaient élire les vainqueurs et les vaincus. Les premiers devaient voir leur statut politique consolidé. Les seconds risquaient en revanche de passer un mauvais moment, à l’instar de Tony Blair qui avait accepté en 1995 une baisse de 20% du rabais britannique. Finalement, il n’y aura ni vainqueur, ni vaincu.

Plusieurs programmes à court d’argent

Mais la question du budget européen est quand même importante. Et cela pour trois raisons. La première, c’est que tant que la question du budget 2013-2020 n’est pas réglée, la question des programmes qui arrivent à court de financement en 2012 n’est pas réglée non plus. Actuellement, le Fonds social européen, le Fonds de développement durable, le Programme Cadre Recherche, le Fonds destiné à l’Aide humani¬taire, Erasmus et tous les échanges universitaires et scolaires sont à sec. Ils n’ont plus un euro depuis le mois de septembre.

Pour terminer l’année, la commission européenne a demandé aux Etats une rallonge de 9 milliards d’euros. Mais cette demande n’a pas abouti. En effet, les pays européens restent obnubilés par le budget 2013-2020, oubliant leurs engagements pour 2012. La situation est ironique, déplore Alain Lamassoure. On débat du budget des prochaines années, mais l’Europe a encore des factures à payer pour 2012. Il faudra bien régler le problème, début 2013 au plus tard.

Un budget de la PAC inchangé depuis 15 ans

Deuxième problème : la PAC. Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a estimé vendredi qu’il serait “possible” de trouver un accord début 2013, dédramatisant l’échec du sommet. Mais cet accord risque d’être douloureux pour la France. Notre pays touche plus de 7 milliards d’euros d’aides directes par an. Il est le premier bénéficiaire de la PAC. Or le budget dont elle dispose risque d’être taillé à la serpe.

Dans son dernier rapport, la Commission européenne a proposé de ramener le budget de la PAC de 421 milliards d’euros sur la période précédente (2007-2013) à 386 milliards. La part du budget de la PAC est toujours de 40%. Elle n’a pas bougé depuis 15 ans. Ce statu quo sera difficile à tenir. ” Si rien ne change, l’Europe se retrouvera en 2020 avec un budget dont le montant, la répartition et le financement correspondent aux besoins de l’Europe des années 1990. Ce serait lamentable “, prévient Alain Lamassoure.

Une réindustrialisation à financer

Dernier problème, l’Europe doit parvenir à concilier ses envies de rigueur et ses projets pour le futur. La Commission a présenté récemment sa stratégie pour réindustrialiser l’Europe, L’objectif est que l’industrie représente à nouveau 20% du PIB de l’UE en 2020, contre 16,6% actuellement. Mais pour réaliser un tel objectif, des milliards d’euros seront nécessaires. La Commission européenne a déjà chiffré les besoins à 1.000 milliards pour l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables d’ici à 2020. Problème : en l’état actuel, les investissements requis sont difficiles à mobiliser pour des gouvernements contraints à des politiques d’austérité budgétaire. “Cette situation ne peut pas durer. Il va donc falloir réformer le mode de financement de l’Europe”, conclut un expert. Et pourquoi pas mettre en place, un ” impôt européen “, sous la forme par exemple d’une taxe sur les transactions financières. Cela permettrait à l’Europe d’être plus autonome. La Commission européenne a déjà mis des propositions concrètes sur la table pour aller dans ce sens. Mais l’échec du sommet aujourd’hui risque de retarder les réflexions sur ce sujet.

Sébastien Julian, L’Expansion

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