Grèce: en cas d’échec des négociations avec l’Europe, va-t-on vers le chaos?

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Après la victoire historique de la gauche radicale aux élections de ce dimanche en Grèce, le point sur l’avenir du pays en trois questions.

La Grèce a voté ce week-end et a donné le pouvoir au parti de la gauche radicale Syriza. Alexis Tsipras, son président, est devenu Premier ministre ce lundi. Il consulte pour former un gouvernement de coalition. Toutefois, avec 149 sièges sur 300, il dispose déjà d’une majorité quasi absolue (il lui manque deux députés). Il a donc les mains libres, du moins au niveau national, pour mettre sa politique en oeuvre.

Que veut Syriza ?

Le parti d’extrême gauche veut renégocier la charge de la dette publique, qui pèse 320 milliards d’euros, soit 175% du PIB. Il veut alléger l’austérité et redonner un peu de pouvoir d’achat aux ménages, et particulièrement aux plus pauvres. En Grèce, pays ou 28% de la population active est sans emploi, 90% des chômeurs ne reçoivent ni indemnités ni aides sociales. Syriza veut mettre en place une série de mesures immédiates, qui devraient coûter pas moins de 12 milliards d’euros : il s’agit de relever le salaire minimum qui tourne aujourd’hui entre 510 et 644 euros, pour le porter à 750 euros. Syriza veut également de payer un treizième mois aux retraités qui perçoivent moins de 700 euros par mois et donner de l’air aux bas revenus en relevant le minimum imposable pour les particuliers de 5.000 à 12.000 euros.

Comment financer ce programme ? Syriza compte sur l’apport de fonds européens pour 6 milliards d’euros (si toutefois l’Europe ne bloque pas les fonds en attendant de voir comment la Grèce remboursera ses dettes), sur 3 milliards d’impôts supplémentaires et le reste serait encore à trouver.

Pour le plus long terme, Georges Stathakis, l’économiste en chef de Syriza, ajoute que son parti souhaite réduire le remboursement de la dette publique grecque de 4 % du PIB à 2 % et cela jusqu’en 2025. “Nous paierons le FMI, mais voulons renégocier la partie de notre dette publique détenue par les Etats européens, la Banque centrale européenne et le Mécanisme européen de stabilité”.

Quelles sont les marges de négociation ?

Si les Grecs ont donné beaucoup de cartes à Syriza, le nouveau gouvernement dispose cependant de peu de marges de manoeuvre pour négocier avec ses créanciers internationaux. La Grèce, rappelons-le, a une dette publique qui se monte à 175% du PIB environ, dont plus des trois quarts se trouvent désormais aux mains des Etats européens et des institutions internationales : la Banque centrale européenne, le MES (le fonds de secours européen) et le Fonds monétaire international.

Les statuts du FMI interdisent que le fonds participe à toute restructuration de dette. Au final, donc, si un effort doit être consenti, c’est par les Etats et les instances européens. Mais là, les négociations risquent d’être très difficiles : “La Grèce doit payer, ce sont les règles du jeu européen, il n’y a pas de place pour un comportement unilatéral en Europe“, a affirmé lundi le français Benoît Coeuré, membre du directoire de la BCE. “Cela n’exclut pas un rééchelonnement“, dit-il encore en précisant qu’il “y aura une discussion” sur la dette grecque entre les gouvernements européens. Une discussion qui se fera dans un climat de tension car les échéances se rapprochent : la Grèce doit rembourser cette année 28 milliards d’anciens emprunts, dont 4,3 milliards déjà en mars.

En cas d’échec, le chaos ?

Une chose est certaine : aujourd’hui, ni Syriza ni les instances européennes ne désirent que la Grèce sorte de la zone euro. Mais que se passerait-il si jamais les négociations n’aboutissaient pas ? Une sortie de la Grèce de la zone euro n’est pas totalement à exclure. Elle couterait cher : au montant nominal de la dette publique (320 milliards) il faut ajouter le manque à gagner en intérêts (100, 200 milliards ?) plus les avances de liquidités (40 à 50 milliards) qui ont été faites par les banques centrales européennes à la banque de Grèce et au système financier grec. Des avances nécessaires pour contrer la fuite des dépôts et des liquidités en dehors du pays. Notre pays à lui seul est exposé à hauteur de 9,5 milliards sur la Grèce.

Si la Grèce sortait de l’euro et retournait à la drachme, assorti d’une dévaluation de 30 ou 40%, cela déboucherait inévitablement sur un très grand désordre. Car plusieurs questions sont encore aujourd’hui sans réponse : en cas de retour à la drachme, toutes les anciennes dettes, publiques ou privées, contractées par l’Etat grec, une entreprise grecque ou un particulier grec seraient-elles converties ? Tous les contrats commerciaux en euros deviendraient-ils caducs ? Sans l’apport des banques centrales des autres Etats-membres, le système financier grec pourrait-il tenir le choc ?

Un “Grexit” (une sortie de la Grèce de l’euro) poserait aussi des questions plus larges. Le fonds de secours européen, le MES, peut mobiliser théoriquement jusqu’à 500 milliards d’euros. Il peut donc faire face au coût engendré par une sortie de la Grèce de la zone euro. Mais deux risques sont aujourd’hui très difficiles à appréhender. Primo : le message symbolique. Si un pays, en raison de ses problèmes économiques, est poussé vers la sortie de la zone euro, cela risque de porter un coup politique très dur au projet européen.

Secundo, le risque de contagion : si un pays qui ne peut supporter le remboursement de sa dette en euro doit quitter le système, quel pourrait être le sort de l’Italie, du Portugal, de l’Espagne ? Une question qui n’est pas seulement théorique, surtout lorsque l’on compare le taux de croissance de ces pays (on songe surtout à l’Italie), leur déficit et le niveau de leur endettement qui fait qu’il est de plus en plus difficile de supporter un tel niveau de dette publique. Or si le MES peut résister à un Grexit, il pourra plus difficilement supporter le choc d’une sortie de l’Italie…

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