L’austérité selon Cameron: régime sec pour tout le monde

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Cinq mois après son arrivée au pouvoir, le gouvernement de coalition britannique dirigé par David Cameron a dévoilé mercredi un sévère budget d’austérité. Près d’un demi-million de postes de fonctionnaires seront supprimés d’ici 5 ans. Mais tout le monde devra faire un effort. Y compris la Reine.

Le ton est donné. Devant une Chambre des Communes remuante et pleine à craquer, le chancelier de l’échiquier, George Osborne, a abattu les cartes du gouvernement pour faire reculer “le plus grand déficit en temps de paix” qu’à connu le pays.. Pendant plus d’une heure, le jeune ministre des finances, 40 ans, d’humeur très combative, a détaillé une avalanche de mesures draconiennes. Objectif : faire reculer le déficit budgétaire de 10,1% du produit intérieur brut (PIB) en 2010 à 1,1% en 2015. Aucun autre grand pays européen n’a imposé une telle cure d’austérité.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce gouvernement, la première coalition à diriger le royaume depuis la fin de la seconde guerre mondiale, n’a pas hésité à frapper vite et fort. Personne ne sera épargné, y compris la famille royale, dont le budget de fonctionnement est revu à la baisse (-14%). A part la santé et l’aide au développement, tous les ministères verront leurs budgets réduits en moyenne de 19% au cours des cinq prochaines années. Concrètement, cela signifie que 490.000 postes de fonctionnaires seront supprimés, soit l’équivalent de 8% des effectifs de la fonction publique. Autre coup dur : l’âge de départ à la retraite est relevé à 66 ans pour les hommes comme pour les femmes, à compter de 2020, au lieu de 2026 comme l’avait envisagé le précédent gouvernement travailliste, au pouvoir pendant treize ans.

Réductions tous azimuths Même si la TVA sera augmentée à 20% en janvier prochain, l’essentiel de l’objectif de réduction du déficit sera obtenu par des baisses de dépenses de 83 milliards de livres (95 milliards d’euros) au cours des cinq prochaines années. Leur impact va affecter tous les ménages britanniques. Les allocations familiales et de vieillesse, ainsi que les aides au logement vont être revues à la baisse. Les droits d’inscription universitaires vont doubler et les indemnités de chômage pour cause de maladie vont être limitées dans le temps.

Toutes les grandes institutions du pays, y compris les prestigieuses, sont mises au régime minceur, à commencer par la BBC, dont la redevance est gelée pendant six ans, et qui voit son budget fondre de 16%. Ainsi que les forces armées : 5 000 postes seront supprimés dans la RAF et la Royal Navy, 7 000 dans l’armée de terre et 25 000 postes vont disparaître dans les services civils du ministère de la défense.

“Nous ne faisons pas cela par zèle idéologique, mais parce que nous le devons”, a insisté David Cameron, avant la présentation du budget. “Si nous ne nous attaquons pas à nos déficits, cela mettrait en danger chaque emploi dans ce pays”, a prévenu le premier ministre conservateur.

Réagissant aux mesures annoncées, Alan Johnson, porte-parole travailliste pour l’économie, a déploré les “plus profondes coupes dans les dépenses publiques de mémoire vivante”. Il ne fait pas de doute que le gouvernement de centre-droit cherche à créer un électrochoc avec son programme d’austérité. Son attitude de fermeté tranche avec les hésitations observées ailleurs en Europe. Mais le nouveau premier ministre a également voulu donner une image équitable à la potion amère qui vient d’être annoncée. Aucun secteur n’est épargné. David Cameron veut ainsi démontrer que l’effort de redressement est partagé par tous, y compris les plus nantis, comme la famille royale.

Même si le programme de Cameron est sévère, il faut néanmoins nuancer son impact à long terme. Contrairement à Margaret Thatcher qui faisait de la réduction du rôle de l’Etat un but en soi, son successeur a tout fait pour donner l’impression de s’y résigner par nécessité. D’ailleurs, si son programme d’austérité est mené à terme, la part des dépenses publiques dans le PIB sera toujours de 40% en 2015, soit son niveau avant la crise, en 2008, lorsque les travaillistes étaient au pouvoir. On est donc très loin d’une croisade libérale à la Reagan.

Dans les prochains jours, le gouvernement va détailler l’impact de son plan de rigueur, ministère par ministère. Il ne prendra effet qu’au printemps 2011. Jusqu’à présent, les Britanniques avaient réservé un accueil plutôt favorable au nouveau gouvernement, se montrant résignés à l’idée des coupes à venir. Maintenant que la hache va commencer à tomber, le climat social risque de se tendre. Une chose est certaine : la lune de miel de David Cameron avec l’opinion britannique s’est achevée ce mercredi 20 octobre. Les cinq prochaines années de son mandat s’annoncent nettement plus difficiles.

Yves-Michel Riols

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