“L’Afrique du Sud a eu trois ministres des Finances en une semaine…”

Jacob Zuma © Reuters

Le président sud-africain Jacob Zuma, qui a fait vaciller la première économie industrialisée d’Afrique en évinçant brutalement son respecté ministre des Finances, a été contraint, par son parti et les marchés, de faire volte-face et de nommer un nouveau ministre, le troisième en quatre jours.

Dimanche soir, Jacob Zuma a annoncé le remplacement de l’inexpérimenté David van Rooyen, intronisé ministre des Finances à la surprise générale trois jours plus tôt, par une valeur sûre, Pravin Gordhan, qui avait déjà occupé ce poste de 2009 à 2014.

Une décision saluée par les marchés lundi matin: le rand sud-africain avait repris plus de 5,5% de sa valeur par rapport aux plus bas historiques atteints vendredi face au dollar et à l’euro. Le rand restait cependant encore nettement en-dessous de ses valeurs de mardi, avant l’éviction du ministre des Finances Nhlanhla Nene, qui avait critiqué la politique du chef de l’Etat.

“Gordhan appelé à la rescousse. Le bon sens l’emporte”, titrait lundi The Star, un des principaux quotidiens sud-africains, résumant le soulagement général dans un pays qui se débat déjà avec une croissance faible et un chômage dépassant les 25%.

Le retour aux Finances de Pravin Gordhan “est bienvenu et l’industrie bancaire est prête à travailler avec lui pour s’attaquer aux conséquences de la décision initiale” prise par Jacob Zuma, a réagi lundi l’Association bancaire sud-africaine.

Le président a expliqué avoir “reçu de nombreuses recommandations” pour revenir sur sa décision. “En tant que gouvernement démocratique, nous soulignons l’importance d’écouter le peuple et de répondre à ses vues”, a-t-il ajouté.

Mais selon Peter Montalto, économiste spécialiste des marchés émergents chez Nomura, c’est avant tout l’ANC (Congrès national africain), le parti au pouvoir depuis la fin officielle du régime d’apartheid en 1994, qui a “obligé” le président “à faire marche arrière, un pas extrêmement préjudiciable pour lui”.

Le limogeage du ministre des Finances Nhlanhla Nene avait été accueilli avec stupéfaction voire colère, y compris dans les rangs de l’ANC et des partenaires de la coalition gouvernementale, dont le Parti communiste et la puissante confédération syndicale Cosatu.

Barbara Hogan, figure de l’ANC et ancienne ministre, avait estimé que le pays serait “mieux loti” sans Zuma à sa tête.

Une pétition avait été lancée sous le hashtag #Zumamustfall (Zuma doit tomber) et plus de 100.000 signatures récoltées.

Lundi, l’ANC a salué, dans un communiqué laconique, le rappel de Pravin Gordhan, une décision qui témoigne “d’un gouvernement responsable”.

‘République bananière’

Malgré la nomination d’un homme expérimenté au ministère des Finances, Zuma sort affaibli de cet épisode, estiment les experts.

“Il a perdu le peu de crédibilité qui lui restait”, selon Judith February, analyste à l’Institute for Security Studies. “Il a porté atteinte à la crédibilité de l’Afrique du Sud comme personne d’autre avant lui ne l’avait fait depuis 1994”, estime-t-elle à l’AFP.

“Zuma a manifestement montré les limites de son autorité”, complète le commentateur Ray Hartley dans le Rand Daily Mail.

Malgré tout, les “probabilités qu’il soit destitué par son parti restent très faibles”, selon Mark Rosenberg, analyste à l’Eurasia Group, chargé de l’Afrique australe.

Le rappel de Pravin Gordhan aux Finances est du pain béni pour l’opposition. L’Afrique du Sud “a eu trois ministres des Finances en une semaine. Si des gens ne pensent toujours pas que nous sommes dans une république bananière, on ne peut rien faire pour eux”, a réagi le parti de gauche radicale EFF de Julius Malema, ancien membre de l’ANC et figure montante de la scène politique.

Le ministre des Finances Nhlanhla Nene avait été limogé après avoir refusé la renégociation d’un contrat entre la compagnie aérienne para-publique South African Airways (SAA) et Airbus, jugeant que la transaction n’était pas viable financièrement.

Dans un communiqué singulier ce week-end, le président Zuma avait démenti des rumeurs selon lesquelles il entretenait une relation amoureuse avec la présidente de SAA, Dudu Myeni.

Les élections locales en 2016 constituent le prochain test pour Zuma et l’ANC, qui sera sous pression pour conserver des municipalités clés comme Johannesburg.

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