L’accord UE-FMI insuffisant pour faire sortir la Grèce du tunnel ?

Un homme marche dans les rues d'Athènes. © Reuters

La Grèce s’est targuée mercredi de pouvoir remettre son économie sur les rails après l’accord de ses créanciers UE-FMI pour la maintenir sous perfusion et alléger sa dette, mais le bout du tunnel est encore loin selon les analystes, pour qui Athènes reste sous forte pression.

“Le cercle vicieux de l’incertitude et de la récession se referme (…) le pays entre dans une phase de stabilité économique” qui va lui permettre de “retrouver la croissance”, a assuré la porte-parole du gouvernement, Olga Gerovassili.

Elle a relevé que la reprise convenue des perfusions financières au pays allait permettre d’injecter d’ici octobre 3,5 milliards d’euros dans les rouages grippés de l’économie nationale.

Les engagements sur la dette pris par les créanciers du pays à l’issue mercredi matin de près de onze heures de réunion de l’eurogroupe, garantissent “pour une longue période, le financement de l’économie dans des conditions très favorables”, s’est aussi félicité une source gouvernementale.

La réunion a débouché sur un feu vert au déblocage de nouveaux prêts à la Grèce — avec une première tranche d’ici juin de 7,5 milliards d’euros et une deuxième, selon Athènes en septembre, de 2,8 milliards d’euros– et un accord pour des “mesures progressives” afin d’alléger la dette d’Athènes.

Plombée par une dette qui caracole à près de 180% du PIB, la Grèce espère dans la foulée pouvoir revenir sur les marchés financiers en 2017.

Seul problème: comme le relève une note d’analyse de Citibank, “toute décision sur la dette a en fait été renvoyée à 2018 au plus tôt”, à la fin théorique du programme de sauvetage financier du pays initié il y a six ans, laissant “une forte incertitude” continuer de planer “sur la viabilité de la dette”.

Sous pression de Berlin, qui ne veut pas lâcher la bride à Athènes et, sur le plan intérieur, ne veut prendre aucun engagement avant les législatives allemandes de 2017, “nous avons effectivement renvoyé le problème à plus tard”, commentait mercredi une source européenne.

“Cela a été très difficile pour le FMI”, partisan pour sa part d’un allègement immédiat et d’ampleur et critique du corset d’austérité, récessif selon lui, imposé par la zone euro au pays, a-t-elle relevé.

Tsipras a “gagné du temps”

Le Fonds n’a du coup pas encore scellé la poursuite de sa participation à l’opération de redressement grec, renvoyant cette décision à l’automne.

Le Premier ministre Alexis Tsipras a “gagné du temps” et effectivement décroché quelques compensations, “qui vont peut-être permettre une légère augmentation du PIB”, juge Kostas Melas, professeur en finance internationale à l’université Panteion d’Athènes.

Parmi les avancées, il cite la réouverture, attendue début juin dans le sillage de l’eurogroupe, du robinet des financements réguliers et gratuits de la BCE en faveur des banques grecques.

Mais “si le secteur bancaire sort clairement gagnant de l’eurogroupe”, l’arrangement conclu à Bruxelles est selon lui “loin d’être un grand succès”. Il “atteste que les créanciers n’ont toujours pas confiance dans la Grèce”, et n’offre aucune garantie de sortie de crise, ajoute-t-il.

“Le gouvernement devra faire un énorme effort de planification et de travail pour contrebalancer les mesures récessives et ineptes” qu’il a dû se résoudre à prendre pour satisfaire les bailleurs de fonds, juge M. Melas.

Ce tour de vis, qui nourrit un regain de grogne sociale et n’épargne que les plus bas revenus, à la limite du seuil de pauvreté, se décline en deux douloureuses réformes, des retraites et de l’impôt, et des augmentations des taxes indirectes.

Le gouvernement, porté triomphalement au pouvoir en janvier 2015 sur la promesse de rompre avec l’austérité et l’euro-tutelle s’est aussi engagé à accélérer les privatisations et dû mettre en place un mécanisme automatique de correction budgétaire pour garantir que le pays tienne l’objectif d’un excédent primaire de 3,5% du PIB en 2018.

Les Grecs “vont-ils réussir à mettre en oeuvre” leur programme, “on peut avoir des doutes sur tout cela car l’économie reste en profonde récession”, estimait Jésus Castillo, analyste chez Natixis.

Pour Jonathan Loynes de Capital Economics, on a “peut-être réduit le risque d’une éruption estivale de la crise de la dette. Mais avec des engagements très vagues des créanciers sur l’allègement de celle-ci, et des objectifs budgétaires toujours irréalistes, la crise est loin d’être terminée”.

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