Johan Van Overtveldt: “Les inégalités vont augmenter”

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Dans son nouveau livre intitulé “A Giant Reborn”, le ministre des Finances Johan Van Overtveldt prévoit une période de “changements turbo”, dont l’économie américaine sortira gagnante. L’Europe et surtout la Chine sont condamnées à la suivre.

Pour présenter un livre comme “A Giant Reborn”, il n’y avait pas de meilleur endroit que Washington DC, la capitale d’une puissance mondiale sur le déclin, du moins selon les critiques qui prédisent la fin de l’hégémonie américaine. Cependant, Johan Van Overtveldt refuse de hurler avec les loups. Au contraire, son livre sous-titré “Why the US Will Dominate the 21st Century” est une prédiction étayée de la dominance persistante de l’économie américaine.

Si Van Overtveldt ne nie pas les problèmes américains, il est convaincu que les États-Unis disposent de loin des meilleures cartes pour tenir tête aux “changements turbo” qui nous attendent.

Trends: Certains économistes comme James Galbraith préviennent qu’il faudra nous résigner à une croissance économique plus faible. Partagez-vous cet avis ?

Johan Van Overtveldt: La croissance économique diminuera peut-être un peu, mais il est plus important que la baisse du taux d’emploi soit partiellement compensée par une productivité en hausse. La dynamique sous-jacente de la croissance économique change, avec une meilleure circulation de nouvelles idées. Ladite disruption changera la société de fond en comble.

Et les États-Unis seront le plus à même de gérer cette disruption ?

Il s’agit de la volonté d’accepter le changement turbo et la “destruction créative” et de se montrer enthousiaste. C’est là une constante dans la société américaine.

La révolution du gaz de schiste illustre bien cette tendance. Il s’agit de l’expression de la volonté américaine typique de faire de nouvelles choses et d’investir en masse. De plus, les Américains nourrissent l’ambition d’acquérir une indépendance énergétique et de créer d’innombrables spin-offs technologiques.

Une partie de ce système repose sur une bulle, même pour l’exploitation du gaz de schiste. À nos yeux, les Américains exagèrent toujours. Mais ils apprennent avec des hauts et des bas, ils apportent des corrections et terminent finalement par autre chose que ce qui était prévu initialement. Cela va de pair avec des faillites et des pertes d’emploi. Mais à la fin il reste un noyau de valeur ajoutée.

Vous prévoyez que le changement turbo ira de pair avec davantage d’incertitude et de tensions sociales, avec un modèle de société “winner takes all” comme résultat possible. Ce n’est pas vraiment une perspective d’avenir agréable ?

Je désire souligner que mon livre n’est pas une plaidoirie pour copier le modèle américain. Je ne me prononce pas sur la question de savoir si les gens sont plus heureux dans un modèle américain: je n’en sais rien. Si l’Europe devait choisir un modèle qui complique l’adhésion à un changement turbo qui entraînerait un retard économique, cela ne me pose pas de problème. Si c’est un choix démocratique, je m’inclinerai.

Le changement turbo ne crée pas seulement des opportunités inédites, mais également de sérieux défis. Ainsi, vous vous attendez à ce que les inégalités en matière de revenus se creusent encore.

Si mon analyse de progrès technologiques en hausse est exacte, les inégalités de revenus se creuseront probablement. Les gens qui disposent des bonnes compétences techniques mèneront la danse et seront bien payés. En tant que société, nous devrons déterminer quel niveau d’inégalité est acceptable. Aux États-Unis, la tolérance face à l’inégalité est plus importante qu’en Europe. J’estime qu’il n’y a pas de choix faciles. On ne peut pas à la fois vouloir être à la pointe et aspirer à moins d’inégalités.

Pour passer de mon livre aux réformes auxquelles nous aspirons avec le gouvernement fédéral: pour contrer l’inégalité de revenus, il est important de continuer à baisser la pression fiscale pour les salaires les plus bas. Pour ce groupe, il faut que le net et le brut soient aussi proches que possible”.

La hausse des risques systémiques constitue un autre désavantage du changement turbo, notamment parce que le monde est de plus en plus intégré. Un cataclysme comme la crise de l’immobilier américaine peut alors causer des ravages dans le monde entier. Comment les institutions internationales peuvent-elles y répondre ?

Le FMI ou la Banque des règlements internationaux (BRI) a un rôle à jouer dans le système financier global. Pour moi, il est important d’aboutir à de règles simples. Cela peut sembler contradictoire dans un monde de plus en plus complexe et enchevêtré, mais il n’est pas vraiment nécessaire d’instaurer des règles complexes. Il nous faut des règles transparentes et claires qui soient respectées.

Kris Van Hamme, à Washington

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