Inciter à dénoncer le travail au noir?

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Alors que les dénonciations auprès du fisc explosent, certains voudraient “faciliter” les plaintes anonymes en matière de fraude sociale.

La Belgique est-elle en train de devenir un pays de délateurs ? Signe des temps, le Service d’information et de recherche sociale (SIRS, organe dépendant notamment du SPF Sécurité sociale) prévoit de mettre en place, d’ici la fin de cette année, un site internet grâce auquel il devrait être possible de dénoncer, de manière anonyme, des cas de fraude sociale (travail au noir, fraude au domicile, etc.)

Objectif ? Lutter plus efficacement contre la fraude sociale en centralisant les plaintes auprès d’un guichet électronique unique.

Soutenue par le secrétaire d’Etat en charge de la Lutte contre la fraude, John Crombez (sp.a), l’initiative suscite de vives critiques, y compris au sein du gouvernement. Pour le Syndicat national des indépendants (SNI), il s’agit d’une mauvaise idée. “Il faut bien évidemment s’attaquer à la fraude sociale, estime Christine Mattheeuws, présidente du SNI, mais pas au travers d’une ligne de délation anonyme.”

Pourquoi ? “Parce que c’est ouvrir la porte à des tas de dérives, poursuit-elle. Certains vont en profiter pour bêtement faire du tort à une connaissance et cela ne va pas améliorer l’efficacité des contrôles. Au contraire, les grands dossiers de fraude sociale risquent d’encore plus passer inaperçus.”

De plus en plus de corbeaux Réponse de Jean-Claude Heirman, directeur général du département Inspection sociale au SPF Sécurité sociale. “Rien ne changera par rapport à ce qui se fait déjà aujourd’hui, plaide-t-il. Les services d’inspection reçoivent déjà depuis très longtemps de nombreuses plaintes et dénonciations dont une partie sont anonymes. A l’ère de l’informatique, ajoute le haut fonctionnaire, ce projet vise à offrir un seul point de contact où il sera possible d’utiliser un service web disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Un formulaire structuré est prévu à cet effet. La plainte peut être anonyme. Cela évitera de devoir se déplacer jusqu’à un service d’inspection ou d’envoyer des lettres ou e-mails qui sont souvent incomplets et nécessitent de devoir reprendre contact avec celui qui l’a envoyé.”

D’accord, pas d’accord ? Seule certitude : le phénomène des dénonciations “économiques” gagne en importance. Outre le dossier Offshore Leaks où il est fait appel au grand public pour trouver de nouvelles pistes via une application web, en témoignent les 945 dénonciations enregistrées par le fisc depuis le début de l’année (lire notre dossier de couverture du 13 juin). Jamais auparavant, le ministère des Finances n’avait récolté en si peu de temps autant de plaintes anonymes émanant de contribuables dénonçant un voisin, un ex-conjoint, un concurrent, etc. Avec 945 dénonciations rien que pour les cinq premiers mois de l’année, on se situe déjà à un niveau quasiment équivalent à celui enregistré pour l’ensemble de 2012. L’an dernier, 1.221 dénonciations avaient été comptabilisées par le fisc, contre seulement 460 en 2008. Mieux vaut le savoir.

SÉBASTIEN BURON

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