Immigration: des réfugiés toujours plus nombreux

Quelque 50.000 migrants sont actuellement bloqués dans des camps grecs souvent surpeuplés. © REUTERS

Entre montée du populisme et durcissement des conditions d’accueil, les écueils se multiplient pour ceux qui veulent échapper à leur sort.

La crise européenne des réfugiés a connu de nombreux rebondissements. En 2015, alors que la guerre faisait rage en Syrie, 1,3 million de migrants – un chiffre sans précédent – ont déposé une demande d’asile dans l’Union européenne. Le nombre de migrants qui traversaient la mer Egée entre la Turquie et la Grèce, censé diminuer pendant l’hiver, ne cessait d’augmenter. En mars 2016, l’accord conclu in extremis entre l’UE et la Turquie, en vertu duquel les réfugiés devaient être renvoyés en Turquie pour y attendre le traitement de leur demande d’asile, a surpris de nombreux observateurs. Et il a eu un effet dissuasif : le nombre de migrants arrivant en Grèce est tombé à 3.400 au mois d’août 2016, contre environ 55.000 en février.

En 2017, le nombre de ceux qui parviendront à rallier l’Europe n’atteindra pas les sommets du début 2016. Avec la montée du populisme sur le continent et le durcissement du gouvernement en Turquie, le parcours risque d’être encore plus semé d’embûches. Un nombre croissant de réfugiés emprunteront des itinéraires encore plus dangereux et subiront un traitement encore plus brutal sur le chemin.

Par ailleurs, le dispositif d’accueil des migrants se dégradera. Au lieu d’être renvoyés en Turquie comme le prévoit l’accord entre Ankara et Bruxelles, quelque 50.000 migrants sont actuellement bloqués dans des camps grecs souvent surpeuplés : en septembre, des milliers d’entre eux ont pris la fuite après des affrontements et un incendie dans le camp de Lesbos.

A l’arrivée de l’hiver, une plus grande agitation régnera parmi les migrants avec un risque accru d’affrontements et de grèves de la faim. Le nombre de morts lors de la traversée entre la Libye et l’Italie ne cessera d’augmenter.

Menace turque

En outre, il sera beaucoup plus difficile de traiter avec le gouvernement turc. Dans le cadre de son accord avec l’UE, la Turquie avait obtenu une exemption de visa pour ses citoyens souhaitant se rendre en Europe et, en contrepartie, devait se soumettre à certaines conditions, dont le renforcement de sa lutte contre la corruption, l’instauration d’un passeport biométrique et la révision de sa législation sur le terrorisme. En octobre, le gouvernement, absorbé par les poursuites engagées contre 60.000 personnes accusées d’avoir participé, en juillet, à la tentative de coup d’Etat contre le président Recep Tayyip Erdogan, n’avait toujours pas rempli ces conditions. L’exemption de visa a donc été reportée et les Turcs, irrités, ont menacé de rejeter l’accord. Si cette menace était mise à exécution, la Grèce pourrait laisser les réfugiés sortir des camps. Avec l’aide de passeurs, ils emprunteraient alors la route des Balkans pour rejoindre l’Allemagne.

Enfin, les tensions intérieures empêcheront les dirigeants européens de prendre les mesures qui s’imposent. Il y aurait notamment beaucoup à faire pour que les réfugiés puissent être transférés directement de Turquie vers les pays de l’UE. Mais la chancelière Angela Merkel et le président François Hollande seront trop occupés par les élections nationales pour s’atteler seuls à ces problèmes. Et une aide extérieure serait difficile à obtenir : les gouvernements des pays d’Europe de l’Est se refusent à accueillir des réfugiés et un sentiment anti-migrants gagne du terrain en Suède, aux Pays-Bas et en Italie.

Sombre scénario

Ce sombre scénario pourrait être évité si les bonnes mesures diplomatiques étaient prises. Pour que l’accord entre Bruxelles et Ankara puisse être appliqué, il faudrait, selon Gerald Knaus, du groupe de réflexion European Stability Initiative, que la Turquie soit perçue comme un pays sûr pour les réfugiés. Et que davantage de pays européens accueillent des réfugiés venant directement de Turquie. Mais aussi honteux soit-il pour l’UE et des dirigeants politiques qui, au début, ouvraient leurs bras à ces populations fuyant les bombes à sous-munitions, aucune de ces hypothèses ne semble pouvoir se réaliser en 2017.

Par Emma Hogan, correspondante à “The Economist”.

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