“Il faut réformer, sinon nous fonçons droit dans le mur !”

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Luc Coene, nouveau gouverneur de la Banque nationale de Belgique, esquisse les lignes de force qui régiront son mandat. En tant que chef moral de l’économie du pays, il plaide pour que la Belgique fasse d’urgence l’objet d’un grand nettoyage de printemps socioéconomique.

Luc Coene débute ses activités à un moment charnière. En tant que gouverneur de la BNB, le Gantois siège également dans le conseil d’administration de la Banque centrale européenne. Ce jeudi, la BCE a augmenté une première fois le taux de base de 25 points de pourcentage.

Les observateurs professionnels de la BCE voudront naturellement cataloguer Luc Coene parmi les colombes ou les vautours de l’inflation mais le gouverneur ne veut pas qu’on lui accole une étiquette : “Je suis surtout un homme pragmatique. Je n’aime pas la théorie pour la théorie. Je n’ai pas d’idées préconçues sur le risque d’inflation. Au cours des entretiens avec mon prédécesseur, il est apparu que nous étions très souvent sur la même longueur d’ondes. Il ne faut donc pas vous attendre à de grands bouleversements.”

L’agence Standard & Poor’s a menacé d’abaisser la notation de notre pays s’il n’y a pas de gouvernement d’ici l’été. Qu’en pensez-vous ?

C’est effectivement une menace. Il serait très regrettable que nous laissions les choses en arriver là car, dans ce cas, la facture des intérêts gonflerait et occuperait une plus grande place dans le budget. De plus, le financement de nos établissements financiers deviendrait aussi plus cher. Voilà des problèmes dont nous pourrions bien nous passer.

Etant donné cette menace, pouvons-nous nous attendre à ce que vous lanciez un appel en faveur de la formation d’un nouveau gouvernement ?

Cet appel n’est pas vraiment nécessaire. Les politiciens sont conscients du sérieux de la situation. Je ne crois pas que ces gens s’amusent à faire traîner les choses à l’infini. Mais je ne peux que constater que le fossé entre les deux parties est gigantesque. Si elles ne mettent pas de l’eau dans leur vin, ce fossé restera béant. Et le prix que nous devrons payer pour l’intransigeance sera salé.

Une réforme de l’Etat et de la loi de financement est-elle, à vos yeux, indispensable pour assainir le budget ?

C’est un point de vue que nous défendons déjà depuis quelques années avec le Conseil supérieur des finances. Quelque 90 % des coûts du vieillissement se situent pour l’instant au niveau de l’Etat fédéral mais la répartition des moyens a lieu de façon égale. Soit chacun doit se débrouiller seul mais, de cette manière, on n’arrivera jamais à avoir un budget en équilibre. Soit chacun doit apporter sa contribution mais alors, les Régions et Communautés doivent avoir des excédents pour supporter une partie des coûts du vieillissement. C’est une solution politiquement très difficile dans ce pays.

Une autre possibilité consiste à transférer des compétences mais pas les moyens correspondants. Cela non plus n’est pas évident. Mais on ne peut pas non plus laisser les choses suivre leur cours car, dans ce cas, nous fonçons tête baissée droit dans le mur.

Votre prédécesseur n’excluait pas l’option d’une augmentation des impôts. Partagez-vous cette opinion ?

Le rythme de croissance des dépenses est beaucoup trop élevé. En termes réels, une hausse de 2,2 % par an, c’est plus que la croissance potentielle de notre économie. Ce n’est donc pas tenable. Si l’on ne réduit pas le rythme des dépenses, on ne résoudra rien. Nous ne demandons pas non plus que les dépenses diminuent en termes absolus mais simplement que la croissance des dépenses reste au moins sous 1,5 %. On a alors un rythme de croissance correspondant à la croissance potentielle de l’économie.

Propos recueillis par Patrick Claerhout et Daan Killemaes

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