Grève nationale: quels droits pour celui ou celle qui veut travailler?

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Quel est le sort réservé aux travailleurs non-grévistes ?

Juridiquement, la grève constitue un droit reconnu au travailleur. En principe, l’employeur ne peut pas s’opposer à une grève et ne dispose pas d’action judiciaire pour obtenir la cessation d’une grève, sauf rares exceptions. Les actions judiciaires concernent plus généralement les voies de fait qui pourraient entourer la grève.

La grève a pour conséquence que le travailleur gréviste ne percevra pas de rémunération de la part de son employeur pour la journée de grève puisqu’il n’a pas travaillé. Les travailleurs grévistes syndiqués bénéficieront toutefois d’une indemnité de grève payée par leur organisation syndicale.

La question peut se poser du sort réservé aux travailleurs non-grévistes. Plusieurs cas de figure peuvent se présenter :

– Des travailleurs non-grévistes souhaitent travailler mais sont bloqués à l’entrée de l’entreprise par des piquets de grève. Ces non-grévistes qui, en raison de la grève, ne peuvent entamer leur travail alors qu’ils s’étaient rendus sur leur lieu de travail ne percevront aucune rémunération de la part de l’employeur pour la journée de grève (contrairement à ce que nous indiquions dans notre numéro précédent en p. 109). Face à des piquets de grève, l’employeur peut essayer d’obtenir la cessation de ceux-ci au moyen d’une procédure en référé sur requête unilatérale. Les travailleurs peuvent se joindre à l’action de l’employeur. Les piquets de grève qui empêchent les non-grévistes d’accéder à l’entreprise constituent, en principe, une voie de fait interdite. Le succès d’une telle procédure en référé n’est pas garanti vu le caractère national et général de la grève du 15 décembre. Certains juges pourraient considérer que les piquets de grève sont admissibles et qu’ils n’excèdent pas les limites d’exercice du droit de grève.

Les travailleurs non-grévistes peuvent éventuellement bénéficier d’allocations de chômage temporaire à charge de l’Onem pour cette journée de grève à condition que le comité de gestion de l’Onem approuve la demande. Ce ne sera pas le cas si le travailleur appartient à la même unité de travail que celle des grévistes et s’il peut avoir un intérêt direct ou indirect dans l’acceptation des exigences des grévistes. L’octroi d’une allocation de chômage temporaire semble donc plus que compromis lors de la prochaine grève nationale puisqu’elle touche tous les secteurs et toutes les régions du pays.

– Des travailleurs ne parviennent pas à se rendre sur leur lieu de travail vu l’immobilisation des transports en commun ou en raison des actions de blocage des routes : dans ce cas, les travailleurs non-grévistes ne percevront pas de rémunération de la part de leur employeur. Une telle rémunération garantie aurait été possible si la grève avait été imprévue. Or les différentes actions lancées par les organisations syndicales font les gros titres de l’actualité depuis plusieurs semaines.

– Des travailleurs veulent travailler mais l’employeur a annoncé au personnel que l’entreprise serait fermée en raison de la grève : en principe, l’employeur a l’obligation fondamentale de fournir du travail à son personnel. Il devrait donc essayer de fournir aux travailleurs qui parviendraient à se rendre sur le lieu de travail un travail alternatif et compatible avec leur niveau de fonction normal. Si l’employeur n’est effectivement pas en mesure de faire exécuter d’autres tâches en raison de la grève annoncée de longue date, l’employeur ne devra pas payer de rémunération.

En conclusion, le travailleur qui souhaite travailler semble disposer de peu de moyens d’actions en cas de grève nationale l’empêchant de travailler. Le travailleur qui ne veut subir aucune perte de salaire peut, de commun accord avec l’employeur, prendre un jour de congé ou de récupération.

Dans une certaine mesure, pour autant que l’on en remplisse les conditions, le télétravail peut s’avérer une alternative pour les travailleurs non-grévistes. Outre le fait que certaines fonctions (prestations manuelles sur une ligne de production) ne le permettent pas, le télétravail est par ailleurs strictement réglementé : si une telle modalité n’est pas prévue dans le contrat de travail, en principe elle ne peut être imposée par l’une ou l’autre partie. Le télétravail peut toutefois constituer une suggestion créative pour l’employeur et le travailleur qui souhaitent malgré tout que le travail puisse être accompli le 15 décembre 2014…

ANNE-SOPHIE TSHILEMBE, AVOCATE AU CABINET STIBBE

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