Grèce: l’heure de vérité approche

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Entre les “très confiants” et ceux qui jugent toujours possible une “crise grecque” avec sortie de l’euro, l’issue des négociations entre Athènes et ses créanciers reste difficile à prédire, alors que les caisses du pays se vident inexorablement.

Ces négociations avec le FMI, l’UE, et la BCE, qui ont accordé à la Grèce deux programmes d’aide d’un total de 240 milliards d’euros depuis 2010, stagnent car le nouveau gouvernement de gauche radicale d’Alexis Tsipras a fixé des “lignes rouges”, consistant à maintenir un niveau de dépenses publiques qui n’enfonce pas les Grecs davantage après six ans de crise.

“Nous sommes prêts à faire toutes sortes de compromis, quitte à en payer le prix politique, mais pas à nous compromettre”, a résumé le ministre des Finances Yanis Varoufakis.

Pour obtenir les derniers 7,2 milliards d’euros restant à verser par l’UE, Athènes planche sur une liste de réformes dont une version complétée est attendue d’ici lundi prochain afin d’être analysée par les ministres des Finances de la zone euro le 24 avril.

Faute de quoi le pays, dont les finances sont déjà minées par l’incertitude actuelle, et dont les banques sont sous perfusion hebdomadaire de la Banque centrale européenne, commencera à peiner à honorer ses dettes.

Le gouvernement Tsipras a choisi l’optimisme. “Je suis très confiant”, assure sans relâche M. Varoufakis. “Nous allons trouver un compromis” a déclaré mardi le ministre du Travail Panos Skourletis.

Du côté des créanciers, certains sont au contraire très pessimistes. Un officiel allemand déclarait lundi, sous couvert d’anonymat, qu’il n’y avait aucun progrès dans les discussions, et en tout cas pas de quoi encore débloquer d’argent.

Le représentant du FMI en Europe Poul Thomsen serait du même avis, selon la chaîne de télévision grecque Antenna. L’économiste du FMI Olivier Blanchard n’exclut pas le retour “d’une crise grecque” et une sortie de l’euro.

D’autres jouent l’indulgence. Comme le commissaire à l’Economie Pierre Moscovici qui prône “une approche apaisée, sérieuse” avec Athènes ou comme le patron du Mécanisme européen de Stabilité (MES) Klaus Regling, qui invite à “la patience” envers le jeune gouvernement.

La fin du monde annoncée le 24 avril?

M. Varoufakis, déjà en visite au FMI et au Trésor américain il y a dix jours, aura l’occasion de faire valoir le point de vue grec à partir de jeudi, assistant comme tous les créanciers à Washington à la réunion de printemps du FMI. Il espère même une entrevue avec le président Barack Obama.

Guillaume Menuet, économiste chez Citigroup, à Londres, n’est pas inquiet sur le prochain versement par l’UE d’au moins une partie des 7,2 milliards d’euros attendus.

“Ni la Grèce ni ses principaux créanciers ne voulant qu’elle sorte de l’euro, nous pensons que la réunion du 24 avril (l’Eurogroupe de Riga, ndlr), permettra de trouver un accord ouvrant la porte au versement”, estime-t-il.

“Avant cela, il faudra que le gouvernement grec ait saisi le Parlement des mesures” fiscales discutées ces derniers jours avec les experts de l’Eurogroupe, prévient-il cependant. Un gage de bonne volonté législative dont le calendrier n’est pas encore très clair du côté d’Athènes.

Ces incertitudes ont fait monter les spéculations sur un possible défaut de la Grèce vis-à-vis du FMI ce mois-ci. Il n’en a rien été, mais le suspense risque de revenir rapidement, quand le pays devra payer un total d’un milliard d’euros à ses créanciers à partir du 6 mai.

Le gouvernement grec a passé ces derniers jours à dénoncer par communiqués les rumeurs alarmistes rapportées par la presse étrangère. Dans le dernier, il souligne ironiquement que le 24 avril “marquera une date supplémentaire à laquelle ‘la fin du monde’ n’arrivera pas”.

Les péripéties autour des 7,2 milliards d’euros pourraient néanmoins n’être rien à côté de ce qui reste à discuter entre Athènes et ses créanciers.

En juillet et août par exemple, c’est un total de près de 9 milliards d’euros qu’il faudra rembourser, à la BCE notamment. “Il va falloir commencer à réfléchir à un troisième programme d’aide”, assure Guillaume Menuet, évaluant celui-ci “entre 25 et 50 milliards d’euros”. Or Athènes et les Grecs ne veulent pas en entendre parler pour l’instant, insistant sur la renégociation de la dette publique.

Schaüble estime que la Grèce ne sortira pas de l’euro

Le ministre allemand des Finances Wolfgang Schaüble a estimé mercredi qu’une sortie de la Grèce de la zone euro était peu probable mais que les marchés financiers avaient déjà intégré une telle éventualité. “Je suis assez confiant sur le fait que cela n’arrivera pas”, a déclaré M. Schaüble lors d’un colloque organisé par le Council on Foreign Relations (CFR) à New York. Il a souligné qu’il n’y avait pour le moment “pas de contagion” du fait de la crise grecque et que “la plupart des acteurs sur les marchés nous disent qu’ils ont déjà pris en compte quoi qu’il arrivera”. “Jusqu’à présent, nous n’avons pas de solution et je ne pense pas que nous aurons une solution la semaine prochaine”, a-t-il toutefois concédé évoquant la crise grecque.

Les ministres des finances de la zone euro doivent se réunir le 24 avril à Riga en Lettonie. Selon la presse allemande, ils auraient fixé au 20 avril une échéance pour trouver un accord avec Athènes sur un nouveau programme de réformes en échange de la dernière tranche du programme d’aide internationale dont bénéficie Athènes.

M. Schaüble a reconnu que la situation était “très difficile pour la Grèce” et que le nouveau gouvernement de gauche Syriza avait “détruit” toutes les hypothèses sur lesquelles se basait le redressement des finances du pays. “Nous n’avons pas besoin de plus d’argent”, a-t-il affirmé concernant le plan d’aide à la Grèce, “nous avons besoin de plus de réformes”.

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