Grèce : J-2 avant un vote crucial pour l’euro

© Reuters

Les marchés sont fébriles dans l’attente du vote en Grèce et des détails du plan de sauvetage des banques espagnoles. Tout doit se jouer d’ici au 28 juin, date du prochain Conseil européen à Bruxelles. D’ici là, la crise de la zone euro repart de plus belle.

La zone euro aura encore vécu, ce jeudi, une journée chaotique, rendant l’hypothèse de son explosion de plus en plus tangible. Fébrilité des Bourses, sanction des agences de notation, pression des marchés sur les taux longs des dettes, gesticulations contradictoires de ses dirigeants… Cette tension se résume en un mot: l’incertitude. Incertitude sur les résultats du vote en Grèce, sur le plan de sauvetage de l’Espagne et sur les solutions durables à apporter pour sortir de la crise.

En Grèce, J-3 avant un vote crucial

Les Français ne sont pas les seuls à être appelés aux urnes ce dimanche pour élire leurs députés. Les Grecs aussi. Or le scrutin législatif grec est bien plus crucial que le tricolore – dont le seul enjeu est de savoir si le PS disposera ou non d’une majorité absolue à lui tout seul.

En campagne électorale depuis deux mois, avec un premier scrutin le 6 mai qui n’a pas permis de nommer un gouvernement, la Grèce inquiète ses partenaires européens qui attendent la formation, le plus tôt possible, d’un exécutif capable de poursuivre le plan de rigueur en contrepartie d’une aide financière. Or à trois jours du scrutin, rien ne permet d’envisager quelle en sera l’issue. La Bourse d’Athènes veut croire à une victoire de la droite Nouvelle-Démocratie, favorable à la poursuite de la feuille de route imposée par la troïka (FMI, UE et BCE).

Mais le parti dirigé par Antonis Samaras est au coude-à-coude avec la coalition de gauche radicale Syriza. Son charismatique leader, Alexis Tsipras – dénommé le Mélenchon grec -, assure qu’il va tout faire pour maintenir le pays dans l’euro. Mais en même temps, il affiche sa volonté de renégocier le plan de rigueur dicté par les créanciers du pays, de mettre un frein aux mesures d’austérité qui ont conduit à l’aggravation de la récession et à l’explosion du chômage. Sauf que les dirigeants européens, au premier rang desquels la chancelière allemande Angela Merkel, ne l’entendent pas de cette oreille: si la Grèce ne poursuit l’assainissement de ses finances publiques, elle ne recevra plus un euro de ses créanciers, et pourrait se trouver à court d’argent – donc en faillite – dès cet été. Le vote de dimanche pourrait donc précipiter la sortie de la Grèce de la zone euro. Cette menace a conduit les ministres des Finances de la zone euro à prévoir une éventuelle conférence téléphonique dès que les résultats des législatives de dimanche en Grèce seront connus.

L’Espagne et l’Italie sous haute tension

Samedi dernier, sous la pression croissante des marchés et après avoir vu sa note de long terme abaissée de trois crans par Fitch, l’Espagne s’est résolue à demander une aide financière à ses partenaires européens pour recapitaliser son système bancaire défaillant. Le montant de cette aide pourra atteindre 100 milliards d’euros. La nouvelle n’a pas rassuré longtemps les marchés. Cette semaine, les taux espagnols sont repartis en forte hausse. Jeudi, ils ont même frôlé les 7%, un record historique depuis la création de la zone euro. Une réaction épidermique à la dégradation de la note du pays la veille par Moody’s, mais aussi aux nombreuses zones d’ombres qui entourent le plan d’aide.

De combien les banques espagnoles ont-elles vraiment besoin? L’Espagne a promis de chiffre ce montant d’ici au 21 juin. Madrid attend pour présenter sa demande formelle les résultats des rapports sur son secteur bancaire préparés par deux cabinets d’audit, l’américain Oliver Wyman et l’allemand Roland Berger, qui doivent être connus dans les jours à venir. Le quotidien espagnol ABC, citant un rapport préliminaire des deux cabinets, affirmait jeudi que l’Espagne devrait demander entre 60 et 65 milliards d’euros. Soit moins que l’enveloppe mobilisable. Les détails techniques doivent également être précisés: qui prêtera aux banques espagnoles – la BCE, le FESF ou le MES? – et à quel taux? De ces réponses dépendra la solvabilité financière du pays. Les agences de notation redoutent en effet que ce plan d’aide ne fasse qu’aggraver le déficit et la dette du pays. Le ministre espagnol de l’Economie Luis de Guindos a lancé jeudi un appel “au calme”, soulignant “qu’une telle situation n’est pas tenable dans le temps”.

L’Italie a subi par ricochet cette pression des marchés. Le pays a vu ses taux longs flamber et dépasser les 6% lors d’une émission de dette très suivie, signe d’un retour de la méfiance des marchés. Le chef du gouvernement Mario Monti devrait, selon Les Echos, annoncer dans les prochains jours de nouvelles coupes budgétaires d’un montant de 25 milliards d’euros. D’ici là, il adoptera vendredi une série de mesures pour relancer la croissance – l’Italie est en récession depuis fin 2011. Selon la presse italienne, l’adoption de ces mesures a donné lieu à des tensions au sein du gouvernement sur leur financement alors que l’exécutif s’est engagé à se rapprocher de l’équilibre budgétaire l’an prochain.

Grandes manoeuvres politiques avant le sommet du 28 juin

Encore un sommet de la dernière chance? Les 28 et 29 juin, les chefs d’Etat et de gouvernement des économies de la zone euro se réuniront à Bruxelles. Au menu: la crise de la dette et les solutions pour en sortir – comme toujours depuis deux ans. C’est le premier Conseil européen du nouveau président français. François Hollande a d’ores et déjà indiqué qu’il voulait un plan en faveur de la croissance. L’Allemagne n’est pas contre, mais Paris et Berlin ne sont pas d’accord sur les remèdes. Angela Merkel estime que ce n’est pas avec de nouvelles dépenses qu’il faut relancer la croissance. La chancelière allemande a réaffirmé son credo ce jeudi devant le Bundestag: la réduction des déficits publics est une condition sine qua non à un retour de la croissance en zone euro, qui passe selon elle par une augmentation de la compétitivité de chacun. Elle souhaite une intégration européenne renforcée, avec à la fois plus de solidarité mais aussi plus de contrôle sur les différents pays.

Face à cette position intransigeante, François Hollande avance ses pions en cherchant des alliés parmi les autres Etats membres de la zone euro. Le chef de l’Etat français a rencontré ce jeudi Mario Monti. Les deux dirigeants ont déclaré, lors d’une conférence de presse, partager l’idée “d’une plus grande attention à la croissance, ce qui ne signifie pas l’abandon ou une attention moindre à la discipline budgétaire”. Cette rencontre sera suivie d’un sommet à quatre -auquel se joindront les dirigeants allemand et espagnol, Angela Merkel et Mariano Rajoy- le 22 juin à Rome, avant celui des 28 et 29 juin. Le pire serait qu’il ne ressorte de ce sommet que des déclarations d’intentions – comme souvent-, voire des désaccords. La zone euro en sortirait encore plus affaiblie.

Emilie Lévêque, L’Expansion.com

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content