G20 : victoire de l’Europe ou “score nul contre la pauvreté” ?

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Les résultats du G20 de dimanche, à Toronto, ont plus que satisfait l’Union et la Commission européennes, dont les présidents ont signé une déclaration commune au ton nettement triomphal. Du côté des ONG, l’heure est plutôt à la déception, voire à la colère : “Les membres du G20 ont raté une occasion en or pour lutter contre la pauvreté dans le monde !”, déplore Oxfam.

Les dirigeants du G20 ont affirmé dimanche que leur priorité était de renforcer la reprise économique mondiale, tandis que les pays développés se sont engagés à réduire de moitié leur déficit public d’ici à 2013, dans le communiqué final publié à l’issue d’un sommet à Toronto.

“La plus grande priorité du G20 est de protéger et de renforcer la reprise, ainsi que de jeter les bases d’une croissance forte, durable et équilibrée, et de renforcer nos systèmes financiers contre les risques, a indiqué le groupe des pays riches et émergents. Des défis de taille demeurent. Si la croissance est de retour, la reprise reste inégale et fragile, le taux de chômage dans certains pays se situe encore à des niveaux inacceptables, et les impacts sociaux de la crise se font encore largement sentir.”

Les chefs d’Etat et de gouvernement ont appelé à “faire davantage de progrès dans le rééquilibrage de la demande mondiale”, en la stimulant là où elle est trop faible : “Les économies excédentaires procéderont à des réformes pour réduire leur dépendance à la demande extérieure, et se concentreront davantage sur les sources de croissance nationales.”

Le G20 a cependant relevé le risque de dettes publiques trop élevées : “Les économies avancées se sont engagées à mettre en place des plans budgétaires qui auront pour effet de réduire d’au moins de moitié les déficits d’ici 2013, et de stabiliser ou de réduire les ratios de la dette publique au PIB d’ici 2016.” Et appelé à “poursuivre des mesures de consolidation budgétaire favorables à la croissance”.

Le G20 est également convenu d'”accroître la flexibilité du taux de change dans certains marchés émergents”, une semaine après l’engagement de la Chine de laisser sa monnaie flotter plus librement.

G8 et G20 loin de l’unanimité pour taxer les transactions financières

Le G20 a laissé à chaque pays le choix entre une “taxe financière” et “une approche différente” pour que les Etats ne supportent pas le coût de la crise financière : “Nous nous sommes entendus sur le fait que le secteur financier devrait contribuer de manière substantielle et équitable à la prise en charge du fardeau lié aux interventions du gouvernement, lorsqu’elles se présentent, visant à remettre en état le système financier”, ont précisé les chefs d’Etat et de gouvernement.

Le G20 a enfin réaffirmé “les engagements de réformer le secteur financier” pris lors de ses précédents sommets, distinguant “quatre piliers” : “un cadre de réglementation robuste” avec des obligations de fonds propres nouvelles pour les banques, une “supervision efficace” avec des régulateurs plus stricts, “la question des institutions d’importance systémique” dont le coût du sauvetage ne doit plus être supporté par les contribuables, et une “évaluation internationale” des risques présents dans chaque système financier national.

Défendue par la France et l’Allemagne, l’instauration d’une “contribution sur les transactions financières”, qui pourrait atténuer la diminution des aides publiques au développement, fut donc loin de faire l’unanimité au sein des grandes puissances. Les Etats-Unis, soucieux d’empêcher toute entrave au capitalisme, n’aiment en effet pas l’idée de cette taxe ; or, sans eux, le projet était voué au sur-place.

Aucun consensus n’a, de manière prévisible, été trouvé sur cette mesure ardemment soutenue par les ONG travaillant en faveur du développement, ainsi que par plusieurs syndicats. Pour ses défenseurs, une taxe sur les transactions financières serait indolore. Certains parlent d’une taxe de 0,005 % sur les flux de capitaux, les échanges boursiers, les transferts d’argent. Elle pourrait rapporter plusieurs dizaines de milliards de dollars chaque année, estiment-ils.

A l’image de la taxe sur les banques, destinée à alimenter un fonds de secours en cas de crise, certains, comme l’Allemagne, imaginent une création par les seuls pays intéressés. Mais si les grands centres boursiers mondiaux ne suivent pas, comme la City de Londres et Wall Street, son application est difficilement envisageable.

G20 : l’UE crie victoire dans une déclaration commune Barroso/Van Rompuy…

L’Union européenne a crié victoire, à l’issue d’un sommet du G20, estimant que ses vues avaient été largement reprises par les dirigeants des pays riches et émergents à l’occasion de cette réunion. “L’UE est venue à Toronto avec un ordre du jour clair : le résultat du sommet reflète une large convergence autour de l’approche européenne”, ont ainsi affirmé dans une déclaration commune les présidents de la Commission européenne José Manuel Barroso et du Conseil européen Herman Van Rompuy.

Le bien-fondé des politiques d’austérité annoncées depuis le début de l’année en Europe, qui avaient soulevé des inquiétudes aux Etats-Unis et dans les rangs des pays émergents, a été reconnu par le G20, qui prône toutefois une réduction des déficits “favorables à la croissance”. “Les efforts de l’UE en faveur de la stabilisation et de la croissance ont été largement bien accueillis à Toronto”, se sont encore félicités Herman Van Rompuy et José Manuel Barroso.

… A l’inverse des ONG “développement” qui, déjà déçues par le G8, le sont aussi pour le G20

Plusieurs organisations non gouvernementales, déjà déçues par les conclusions du sommet du G8 vendredi et samedi au Canada, ont critiqué dimanche les résultats du G20 de Toronto, jugés tout aussi insuffisants pour le développement et l’environnement.

“Score nul contre la pauvreté”, souligne dans un communiqué l’ONG Oxfam international. “Les membres du G20 ont raté une occasion en or pour lutter contre la pauvreté dans le monde, estime Mark Fried, porte-parole d’Oxfam. Le G20 aurait dû mettre en place une taxe sur le secteur financier pour tendre de manière significative la main aux 64 millions de personnes que la crise économique a entraînées dans la pauvreté.”

Dans le projet de communiqué final, obtenu par l’AFP, un petit paragraphe évoque un “soutien” du G20 à “de nouvelles approches qui encouragent le financement du développement” venant des secteurs public et privé. Aucune mention n’évoque l’idée relancée récemment par la France et l’Allemagne d’une taxe sur les transactions financières, rejetée par les Etats-Unis.

De son côté, Kim Carstensen, de l’organisation de défense de l’écologie WWF International, a estimé que les participants au G20 étaient venus à Toronto avec “un aspirateur” pour supprimer dans le document final “toute référence à l’énergie propre”. Au sommet de Pittsburgh à l’automne, il y avait huit références dans le communiqué final à ce secteur. Dans celui de Toronto, “zéro”, déplore WWF, estimant que le Canada a failli dans sa conduite de la réunion et dans ses ambitions.

Trends.be, avec Belga

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