“Friction”, “certain désordre” : les euphémismes de l’OMC sur la “guerre des devises”

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Le mercure continue de monter au thermomètre mondial des changes. La Banque mondiale a notamment sonné l’alarme sur la hausse des monnaies des pays asiatiques, qui pourrait entraver à terme la croissance mondiale. A l’inverse, Pascal Lamy, patron de l’OMC, parle d’un simple “risque de friction”.

Pascal Lamy, directeur général de l’Organisation mondiale du commerce, a estimé mardi qu’il y avait un “risque réel de friction” en raison des pressions croissantes sur les changes. Le patron du gendarme du commerce mondial, lors d’une rencontre avec la presse, a reconnu de fait que “les changes bougeaient plus pour l’instant qu’ils n’ont bougé il y a quelques mois”.

“Il y a quand même un certain désordre, a-t-il admis. Il faut essayer de contenir (ce risque) et le meilleur moyen est la manière multilatérale. Il faut se mettre autour de la table et essayer de partager un diagnostique commun sur l’origine de ces déséquilibres, sur l’origine de ces désajustements de changes, s’il y en a.”

Pascal Lamy s’est toutefois refusé à établir un diagnostic plus poussé sur ces mouvements de monnaies, qui est, selon lui, clairement du ressort du Fonds monétaire international. Il souligne malgré tout que, si un pays joue sur ses changes à des fins de compétitivité commerciale, il met “politiquement” les autres sous pression et les pousse à réagir en faisant notamment la même chose : “Il y a un risque de réaction, contre-réaction typique de ce que l’on a réussi à éviter sur le front classique.”

Un yuan plus fort est dans l’intérêt de la Chine, selon la Banque mondiale

Une appréciation du yuan est dans l’intérêt de la Chine et aiderait le pays à contenir l’inflation et à accroître la demande intérieure, a affirmé mardi Ardo Hansson, économiste en chef de la Banque mondiale pour la Chine, à l’occasion de la publication d’un rapport de l’institution sur les économies en développement d’Asie orientale.

“Je pense qu’une véritable appréciation du renminbi est probablement dans l’intérêt de la Chine pour de nombreuses raisons, a-t-il souligné. Marginalement, cela peut aider à juguler l’inflation en abaissant le prix des produits importés… et faire partie intégrante des mesures pour gérer les entrées de capitaux.”

Le gouvernement chinois craint que la perspective d’une réévaluation attire en Chine des fonds spéculatifs qui chercheraient à se placer ailleurs après avoir profité d’une hausse du yuan. L’inflation s’est accélérée en Chine au cours des derniers mois, atteignant son niveau le plus élevé en presque deux ans au mois d’août. Mais l’augmentation est principalement due à la hausse des prix des denrées alimentaires, en raison des inondations qui ont frappé la Chine cet été.

Une monnaie plus forte donnerait aussi, comme le souhaite le gouvernement, un coup de fouet à la demande intérieure, grâce à des importations moins chères, a ajouté Ardo Hansson. Le rapport de la Banque mondiale est publié alors que la Chine est de plus en plus pressée par ses partenaires de laisser s’apprécier, plus rapidement qu’elle ne le fait, sa monnaie par rapport au dollar.

La Banque mondiale met en garde contre une envolée des monnaies asiatiques

La Banque mondiale a tiré mardi la sonnette d’alarme sur la hausse des monnaies des pays asiatiques, qui pourrait menacer leurs exportations et entraver à terme la croissance mondiale : “Des afflux massifs de capitaux ont provoqué une forte montée des devises” en Asie, a expliqué l’institution dans un rapport sur les économies d’Asie orientale (hors Japon et Corée du Sud).

Provoqué par la faiblesse des taux d’intérêt dans les pays développés et par la confiance des investisseurs dans les économies asiatiques, ce flot d’argent est le principal responsable d’une montée “de 10 % à 15 % de la valeur des monnaies de la région par rapport à leur niveau d’avant la crise”, selon la Banque mondiale.

Parmi les devises asiatiques, elle note toutefois que le yuan chinois a progressé “modestement”, d’environ 4 % par rapport aux monnaies de ses partenaires commerciaux depuis le début de 2010. Les Etats-Unis accusent la Chine d’entraver la montée du yuan et certains craignent une “guerre des monnaies” à échelle mondiale, où chaque pays tenterait d’affaiblir sa devise pour doper la compétitivité de ses entreprises.

Les taux de change figureront en bonne place au menu des réunions des pays industrialisés et émergents du G20, vendredi et samedi à Gyeongju (Corée du Sud), puis les 11 et 12 novembre à Séoul.

Les exportations de l’Asie orientale restent pour l’instant “vigoureuses”, a relevé la Banque, “mais une poursuite de l’appréciation de leurs monnaies pourrait ralentir leur croissance”, ce qui affecterait la reprise mondiale.

Trends.be, avec Belga

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