Fonds de secours européen : les 3 clés du débat

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Le débat enfle en Europe sur un renflouement du dispositif destiné à prêter aux Etats de la zone euro en difficulté. Faut-il l’élargir ou le doter de nouveaux instruments ?

L’idée ne fait pas consensus mais elle fait son chemin. Le débat a été relancé mercredi par José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, qui a exhorté les dirigeants des pays de l’UE à décider début février au plus tard d’augmenter les capacités du Fonds européen de stabilité financière (FESF).

Didier Reynders, ministre belge des Finances, est de tout coeur avec lui, qui s’est prononcé jeudi en faveur d’un doublement de l’ensemble du dispositif. Officiellement, la France et l’Allemagne s’étaient d’abord montrées réticentes à toute hausse rapide, avant de nuancer leur position. Christine Lagarde, ministre française des Finances, a déclaré jeudi qu’une augmentation du Fonds pourrait être décidée “si nécessaire”, tandis que son homologue allemand, Wolfgang Schäuble, a concédé que la “capacité effective de prêt” du Fonds pourrait devoir être augmentée.

Le dispositif est-il insuffisant ?

Pour l’instant, oui. Le mécanisme, créé à la suite de la crise de la dette grecque, est doté de 440 milliards d’euros de garanties de prêts des pays de la zone euro, de 250 milliards de prêts du FMI et de 60 milliards d’euros de prêts de l’UE. Mais le Fonds de la zone euro dispose en réalité d’une capacité de prêts non pas de 440 milliards mais de quelque 250 milliards, le reste étant mis de côté comme garantie pour les emprunts afin de bénéficier du “triple A” et obtenir un taux d’intérêt avantageux.

L’aide à l’Irlande, seul pays à avoir fait pour le moment appel au FESF, utilise “moins de 10 %” des moyens disponibles, selon le ministre allemand des finances. Quant aux autres pays de la zone euro, “ils sont capables pour l’instant de se financer sur les marchés”, affirme Klaus Regling, président du FESF, pour qui “il n’y a pas d’urgence”. De fait, tous les pays fragiles ont réussi à placer leur dette de moyen et long termes sur les marchés obligataires la semaine passée.

Cette première épreuve réussie ne devrait toutefois pas suffire à éloigner les inquiétudes sur les pays les plus fragiles, d’autant que les taux consentis restaient trop élevés. Si Lisbonne devait se décider à y recourir, le fonds serait adéquat. Mais alors, le prochain “maillon faible” dans le viseur des marchés serait l’Espagne, et là, les ressources du FESF ne seraient plus suffisantes.

Pourquoi parler de son élargissement dès maintenant ?

L’idée est de transformer le rôle du FESF en outil préventif. Jusqu’à présent, il a au contraire été employé en dernier recours, lorsqu’un Etat est sur le point de se noyer. Les marchés ont en fait tout loisir pour s’attaquer à la dette de l’Etat en difficulté et spéculer sur la hausse des taux obligataires et des CDS, en sachant qu’ils ne risquent rien : à la dernière minute, le Fonds doit empêcher l’Etat de faire défaut. Il ne reste plus qu’à s’attaquer au prochain domino.

Plutôt que d’attendre que les taux sur le Portugal ou l’Espagne montent à des niveaux insoutenables, que les marchés paniquent et amplifient la spirale à la hausse, il s’agirait de prendre les spéculateurs de court en augmentant dès maintenant les ressources. Les Etats fragiles pourraient ainsi se financer à la fois auprès des marchés et du FESF.

Le risque demeure cependant que l’élargissement du Fonds soit interprété comme un aveu d’inquiétude et déclenche la panique des marchés qu’il était précisément censé éviter. “Si vous commencez à parler d’élargissement à un moment où à peine 10 % du Fonds ont été utilisés, vous éveillez automatiquement l’inquiétude”, a averti Wolfgang Schäuble, plaidant pour “la retenue” dans le débat public sur ces questions.

Comment améliorer le Fonds ?

Deux options seraient à l’étude : une augmentation réelle du montant du Fonds et un renforcement des capacités de prêts du Fonds sans toucher à l’enveloppe globale. L’Allemagne penche sans surprise pour la deuxième option, qui nécessiterait par exemple “une augmentation des garanties” fournies par les pays européens, a dit Wolfgang Schäuble.

Les débats, toutefois, ne portent pas uniquement sur la taille du dispositif. Des propositions portent également sur une évolution de ses compétences.

Le FESF pourrait par exemple acheter la dette de pays en difficulté, comme le fait actuellement la Banque centrale européenne, afin d’alléger les tensions sur le marché obligataire. La BCE en profiterait pour se désengager quelque peu de ses achats obligataires sur le second marché. Cela réduirait néanmoins la somme disponible pour des financements futurs.

L’autre piste envisagée est d’abaisser les taux exigés aux Etats en difficulté. L’Irlande emprunte actuellement au Fonds à près de 5,8 %. Le but est, bien sûr, de lutter contre l’aléa moral, c’est-à-dire de ne pas récompenser par des taux trop bas les pays qui ont mal géré leurs finances publiques. Résultat : bien qu’inférieur aux taux imposés par le marché, le taux est très cher pour l’Irlande, compte tenu de la faiblesse de sa croissance. L’avantage de cette possibilité est notamment qu’elle ne nécessite aucune ratification laborieuse dans les parlements nationaux.

Laura Raim, L’Expansion.com

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