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Faut-il taxer les transactions financières ?

On reparle aujourd’hui du projet européen d’instaurer une taxe sur les transactions financières. Il ne s’agirait pas d’introduire celle-ci dans l’ensemble de l’Union européenne, mais seulement dans un nombre limité d’Etats qui accepteraient d’instaurer cette taxe dans le cadre d’une “coopération renforcée” entre eux.

A l’origine, il s’agissait de 11 Etats (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Estonie, France, Grèce, Italie, Portugal, Slovaquie et Slovénie), réduits à 10 depuis que l’Estonie n’y participe plus. C’est donc une petite minorité d’Etats sur les 28 que compte l’Union européenne. Et sur ces 10, deux hésitent, pour des raisons très différentes, à accepter le projet en l’état : la Slovénie et la Belgique. Sachant que neuf Etats sont nécessaires, les pressions sur le gouvernement belge sont donc très fortes.

L’objet de la taxe envisagée est de taxer les transactions financières à un taux qu’il est envisagé de fixer à 0,1 % sur les échanges d’actions et d’obligations et de 0,01 % pour les produits dérivés financiers. Ces taux peuvent paraître faibles, mais sur l’ensemble des transactions internationales, il est prévu, certes dans un certain flou, des recettes, pour l’ensemble des Etats concernés, entre 22 et 50 milliards d’euros.

Pour la Belgique, il s’agit en fait d’étendre le champ d’application de la taxe sur les opérations de Bourse, qui existe déjà, et avec des taux plus élevés pour les actions (0,27 %). Une nouvelle fois, on constatera que les hommes et femmes politiques ont beaucoup d’imagination lorsqu’il s’agit d’introduire de nouvelles taxes. Parce qu’il s’agit clairement d’un impôt supplémentaire, qu’il n’est pas envisagé de compenser par une réduction d’autres taxes. On escompte donc des recettes nouvelles, et, dans un pays surtaxé comme la Belgique, ce seul fait est inquiétant.

La taxe annoncée ne porte pas sur des bénéfices ou sur des revenus, mais sur le simple fait d’acheter ou de vendre des actions ou d’autres produits financiers. Son but est clairement de réduire l’incitation à acheter ou vendre des titres. Contrairement à ce que prétendent ses partisans, il ne s’agit pas d’une taxe sur la spéculation, mais bien d’un impôt qui frappera tout investissement sur les marchés, à quelques exceptions près. L’objet n’est donc pas seulement de taxer les spéculateurs, mais d’imposer toutes les transactions, quel qu’en soit l’objet. Il est d’ailleurs bien difficile, sinon impossible, de distinguer une opération spéculative d’une transaction qui ne le serait pas : personne ne demande à un acheteur sur le marché les raisons de son achat, et il faut supposer que tout le monde acquiert des titres dans le but d’en tirer un bénéfice un jour, proche ou lointain.

Une nouvelle fois, on constatera que les hommes et femmes politiques ont beaucoup d’imagination lorsqu’il s’agit d’introduire de nouvelles taxes.

Sans doute peut-on constater que certains intervenants sur les marchés procèdent beaucoup plus que d’autres à des achats et des ventes, et qu’ils seront donc plus concernés puisqu’ils paieront à chaque fois la taxe. Il faut alors se demander si ces investisseurs, plus actifs que les autres, sont réellement nuisibles au point qu’il faille les décourager. Un des rôles des marchés est de refléter la vraie valeur des titres, sur la base des positions des vendeurs et des acheteurs. Cette valeur de marché correcte est d’autant mieux révélée que les parties sont informées et actives. Tout ce qui artificiellement les dissuade d’acheter ou de vendre ne peut que compromettre la juste fixation des cours. Il n’y pas de raison de traiter différemment ceux qui s’informent mieux des raisons d’acheter et de vendre, même si on les qualifie de ” spéculateurs “. Etymologiquement, la spéculation est un outil de transparence : en latin, les specularia, ce sont des vitres, transparentes, et la speculatio, une recherche.

A ces motifs de principe de s’opposer à la taxe, il faut ajouter une question d’opportunité, propre à la Belgique. On voit mal quel intérêt cette taxe pourrait avoir, à part la perception par l’Etat de quelques recettes supplémentaires s’ajoutant à des montagnes d’impôts. Il faut rappeler que, sur des marchés mondiaux, une taxe instaurée par une dizaine de pays européens ne peut que nuire à ceux-ci : les acteurs s’installeront ailleurs, aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Chine ou au Japon, ou tout simplement aux Pays-Bas ou au Luxembourg, qui ne participent pas à la coopération renforcée en matière de taxe sur les transactions financières. Pour les marchés belges, cette taxe est donc une manière idéale de se saborder, et notamment d’éloigner de Bruxelles ceux, parmi les opérateurs de la City de Londres, qui voudraient y émigrer en raison du Brexit.

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