Faut-il s’inquiéter de la flambée des prix du blé?

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Les cours du blé se sont envolés de près de 40% en juillet et ont atteint un plus haut depuis deux ans. Le risque de pénurie semble toutefois écarté. Explications.

Pourquoi le prix du blé augmente ? La première raison est la vague de sécheresse qui dévaste les cultures en Russie, le troisième exportateur mondial. Depuis le mois de juillet, le pays qui fournit environ 8% de la production de blé de la planète fait en effet face à une canicule sans précédent, avec des températures avoisinant les 40°C dans la capitale et les régions l’entourant. Près de 20% des récoltes ont déjà été détruites. Selon les estimations du cabinet de conseil Agritel, la Russie ne devrait exporter que 5 à 10 millions de tonnes de blé cette année, contre 20 millions en 2009. Résultat, les prix sur les marchés internationaux “sont dopés par les craintes de possibles contrôles sur les exportations de blés ou de limitations que pourraient mettre en place les pays entourant la mer Noire”, soulignent les analystes de Barclays Capital.

Les perturbations en Russie ont d’autant plus d’impact que la plupart des autres grands exportateurs connaissent également des problèmes de récolte. Ses voisins, l’Ukraine et le Kazakhstan, subissent aussi une chaleur intense et un manque de précipitations dramatique pour les cultures. L’Europe n’a pas non plus été épargnée par la chaleur à l’Ouest (France, Allemagne notamment) ou les fortes pluies à l’Est (Hongrie, Roumanie, Bulgarie). Les analystes situent désormais la production de blé de l’UE entre 126 à 129 millions de tonnes contre 138 millions récoltées l’an passé. Alors que le Canada, qui partageait avec la Russie le rang de troisième exportateur mondial en 2009, a subi des inondations dévastatrice en juin, la production de blé devrait y ressortir cette année inférieure de 17% à celle de l’an dernier. Pour ne rien arranger, l’Inde et le Pakistan, qui représentent à eux deux environ 15% de la production mondiale, subissent actuellement d’importantes précipitations et des inondations. “Quant à l’Argentine et à l’Australie, on ne peut pas encore connaître leur production puisqu’ils finissent à peine de semer leur blé”, explique Michel Portier, gérant d’Agritel.

Face à une situation mondiale tendue, certains importateurs cherchent a assurer leurs approvisionnements un peu plus tôt qu’à l’ordinaire. Ainsi, l’Egypte a acheté récemment 180.000 tonnes de blé auprès de la Russie, contribuant à augmenter la demande et donc les cours.

Quel rôle joue la spéculation ? Si la hausse s’explique essentiellement par les fondamentaux dans le commerce mondial, elle est accentuée par l’arrivée des fonds spéculatifs. De fait, La Tribune indique que 50.000 lots de 50 tonnes ont été échangés sur le Nyse Liffe le 21 juillet alors qu’ils se situaient autour de 11.000 à 16.000 lots l’an passé sur les séances les plus animés. “Les fonds spéculatifs sont attirés par la forte volatilité des cours”, explique Michel Portier. De fait, encore en juin, le blé était à un plus bas depuis 9 mois. Depuis, le prix a bondi de 62% pour atteindre en août un plus haut en presque deux ans…

La hausse va-t-elle se répercuter sur les prix à la consommation?

Non. “Le prix du blé représente moins de 5% du prix de la baguette, relativise le gérant d’Agritel. 30 euros d’augmentation pour la tonne de blé entraîne une hausse de seulement un centime sur le prix de la baguette.”

Certains pays risquent-t-ils de connaître des émeutes de la faim comme en 2007-2008 ? Certains observateurs commencent à s’en préoccuper. Et pour cause, les prix du blé en Russie ont crû de 19% la semaine dernière, soit plus vite que pendant les émeutes de la faim en 2008, souligne l’agence de presse russe spécialisée dans l’agriculture SovEcon.

Pour autant, la plupart des analystes écartent tout risque de pénurie. A 7 dollars le boisseau, le prix du blé est certes au plus haut depuis septembre 2008, mais il reste bien en dessous des 13 dollars enregistrés au plus fort de la crise alimentaire. Surtout, après deux années marquées par une production mondiale record, les stocks devraient rester en 2010-2011 à leur troisième plus haut niveau jamais constaté.

Laura Raim

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