Faut-il craindre un krach obligataire ?

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Agitée ces derniers mois, la menace n’est pas sans fondements. Sa version légère, celle d’un “mini-krach partiel”, est même assez probable.

Le mot “krach” est le plus souvent associé aux actions. Pourtant, les historiens retiennent souvent, comme tout premier grand krach de l’histoire, l’effondrement du prix des bulbes de tulipe survenu en Hollande en 1637. Un krach peut donc concerner n’importe quel véhicule d’investissement (ou de spéculation) si une demande très soutenue a poussé les cours à des niveaux excessifs. Même des placements réputés sûrs comme les obligations n’y échappent pas.

Moins-value en septembre

On ne doit évidemment rien attendre de comparable à l’effondrement des tulipes, pas plus qu’à celui qui frappa la Bourse le 19 octobre 1987, quand Wall Street perdit 22 % en une journée. Le krach obligataire du printemps 1994, la référence en la matière, fut en comparaison peu douloureux. Suite à une remontée brutale des taux d’intérêt à long terme, les cours des obligations ont alors perdu entre 10 % et 15 % “seulement”. Fort désagréable surprise, néanmoins, pour des investisseurs qui s’estimaient à l’abri de tout risque.

Un accident de ce type peut-il se produire à nouveau ? C’est ce que craignent un nombre croissant de stratégistes depuis la fin de 2009 et plus encore depuis le printemps dernier. En cause : la fuite vers la qualité. Comme ils se méfient non seulement des actions, mais aussi des obligations d’Etat émises par des pays à problèmes, les investisseurs ont en effet concentré leurs achats sur le papier émis par les pays réputés plus solides.

Ils en ont tellement fait grimper les cours que les taux à 10 ans avaient, le 31 août dernier, chuté à moins de 2,5 % aux Etats-Unis et à un peu plus de 2,1 % en Allemagne. “Intenable !”, affirmait-on alors ici et là. Non tenu en tout cas : les cours de ces obligations ont reflué depuis et la moins-value fut bien palpable en deux semaines : – 2,9 % pour l’obligation d’Etat américaine et – 3,2 % pour le Bund allemand. En Belgique, la baisse s’est poursuivie et atteint 4,5 % en trois semaines.

La Norvège repêche la Grèce

Cette remontée des taux se poursuivra-t-elle, finissant peut-être par entraîner une moins-value à deux chiffres ? Deux arguments vont dans le sens du pessimisme : les besoins des Etats restent très élevés, tandis que l’inflation est inéluctable à moyen terme. Les investisseurs finiront donc par exiger des taux (beaucoup ?) plus élevés. Le principal argument optimiste est que les liquidités sont pléthoriques et que cette énorme demande potentielle freinera toute hausse des taux.

Jouant la prudence, plusieurs gros investisseurs évitent en tout cas d’acheter du papier d’Etat à faible taux et visent les obligations d’entreprises. C’est le cas de l’américain Pimco, le premier fonds obligataire du monde, qui vient d’annoncer sa flamme pour le secteur bancaire. Ou encore d’Aviva Investors, gestionnaire de l’assureur français Afer : “Les obligations d’entreprises de rating BBB offrent actuellement 1,8 % de plus que les obligations d’Etat, contre une moyenne historique de 0,8 %, explique Jean-François Boulier, son directeur général. C’est une belle opportunité de placement, car les entreprises sont saines : elles ont très bien adapté leur structure de coûts à la crise.”

Aviva achète aussi des obligations espagnoles, en raison d’un rendement jugé attrayant. Repêchage plus large encore pour le fonds souverain norvégien, le plus gros investisseur institutionnel occidental, qui achète même de la dette grecque depuis le début du mois ! Dans un tel contexte, si un krach obligataire généralisé ne semble pas (encore) à l’ordre du jour, au moins un mini-krach semble-t-il assez probable pour les obligations au rendement décidément trop faible.

Guy Legrand

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