Face au choc protectionniste de Trump, le Mexique veut se diversifier

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Réduire sa dépendance au voisin américain: tel est l’objectif du Mexique qui, face aux velléités protectionnistes de Donald Trump, veut accélérer ses négociations de libre-échange avec l’Europe et regarde de nouveau vers l’Asie.

Dès mercredi, Mexico a annoncé un accord pour passer à la vitesse supérieure dans ses négociations avec l’Union européenne et moderniser leur accord commercial en vigueur depuis 2000 – avec des échanges pour 53 milliards d’euros en 2015. Il a aussi dit vouloir négocier un traité de libre échange avec le Royaume-Uni quand ce dernier sortira de l’UE.

Des annonces qui font écho à la menace brandie par Trump de quitter l’Accord de libre-échange nord-américain (Aléna), qui regroupe le Mexique, les États-Unis et le Canada depuis 1994, et qu’il a qualifié jeudi de “catastrophe” pour son pays.

Le président mexicain Enrique Peña Nieto a indiqué mercredi que son gouvernement mènerait pendant trois mois des consultations avec le secteur privé mexicain, en vue de préparer une difficile renégociation de l’accord.

“C’est bien que le Mexique se tourne vers d’autres parties (du monde) mais moi je ne pense pas que ce soit la fin de l’Aléna”, estime Gabriela Siller, directrice d’analyse de la banque Base à Monterrey.

‘Ce n’est pas simple’

Selon elle, il est crucial pour le pays d’améliorer ses échanges commerciaux hors du marché américain, en misant aussi sur les services comme le tourisme, tout en essayant d’attirer plus d’investissements étrangers de pays comme la Chine, le Japon ou la Corée du Sud.

De manière générale, “nous parlons depuis de nombreuses années de diversifier le commerce extérieur mexicain et ce n’est pas simple”, prévient Manuel Molano, directeur adjoint de l’Institut mexicain pour la compétitivité (IMCO).

Car l’énorme poids économique des Etats-Unis et sa position stratégique comme voisin rendent inévitable que l’économie mexicaine tourne autour du marché américain.

Environ 80% des exportations du Mexique sont à destination de ce pays, en majorité des produits manufacturés contenant jusqu’à 40% de composants fabriqués aux Etats-Unis, ce qui montre la forte complémentarité des industries des deux partenaires.

Entre 1993 et 2015 le commerce entre Mexico et Washington a bondi de 462%, passant de 88,2 à plus de 500 milliards de dollars par an.

La Chine comme alternative

Mais les relations bilatérales se sont tendues depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, dont le projet de mur à leur frontière a déclenché une crise diplomatique et une vague de patriotisme chez les Mexicains. Une campagne de boycott visant les marques américaines Starbucks, McDonald’s et Coca-Cola a été lancée sur les réseaux sociaux.

Dans ce contexte, Pékin peut devenir le nouveau grand partenaire du Mexique, qui trouverait dans cet allié un marché de taille équivalente à celui des Etats-Unis.

“Quand on ne peut plus regarder uniquement vers le nord, on peut aller voir vers l’est”, résumait mercredi le gouverneur de l’Etat d’Hidalgo, Omar Fayad, en dévoilant une alliance entre le constructeur automobile chinois JAC Motors et une société mexicaine pour investir ensemble 212 millions de dollars dans une usine du centre du Mexique.

La Chine est déjà le deuxième partenaire commercial du Mexique, avec des échanges de 75 milliards de dollars en 2015 malgré l’absence d’accord de libre commerce entre les deux pays.

Mais la balance commerciale est très déséquilibrée, le Mexique important 14 fois plus que ce qu’il exporte vers le pays asiatique.

“S’il s’agissait d’un match de football, ils nous battraient à plate couture”, observe Enrique Dussel, coordinateur du Centre d’études Chine-Mexique de l’Université nationale autonome du Mexique.

Cet expert se dit “sceptique et prudent” face à l’idée de miser sur Pékin pour diversifier les échanges et les investissements mexicains.

Car, souligne-t-il, la relation a été jusqu’à présent “extrêmement tendue”, avec des projets d’investissements annulés et des disputes dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) dans des secteurs comme le textile, l’acier et les jouets.

Parallèlement, l’Union européenne et le Mexique ont annoncé mercredi vouloir “accélérer” leurs “discussions commerciales” pour moderniser leur partenariat économique.

La France n’est pas en reste et va organiser à Mexico les 25-26 avril un forum d’affaires afin d’attirer des sociétés françaises, notamment PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI) jusqu’alors sous-représentées au Mexique.

“L’effet Trump est une énorme opportunité pour gagner des marchés” estime Alfred Rodriguez, président de la chambre de commerce franco-mexicaine.

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