Euro-obligations : aboutissement ou point de départ ?

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La guerre franco-allemande fait rage autour des euro-obligations, un système dont l’Allemagne craint qu’il renchérirait ses propres coûts de financement. L’élection de François Hollande a toutefois redonné de l’espoir aux partisans du système. Parmi lesquels l’ex-Premier ministre belge Guy Verhofstadt.

Hollande veut que la “perspective des eurobonds” soit inscrite au menu

Le président français a demandé, dans la nuit de mercredi à jeudi à Bruxelles, que la “perspective” des euro-obligations soit “inscrite” au menu de l’Union européenne en vue du sommet de juin, mais la chancelière allemande Angela Merkel a redit son opposition.

François Hollande a estimé, lors d’une conférence de presse nocturne au terme d’un dîner informel des dirigeants européens, que plusieurs de ses propositions pour stimuler la croissance en Europe pouvaient “déjà faire consensus” : les project bonds pour financer des grands chantiers, la recapitalisation de la Banque européenne d’investissement et la “mobilisation des fonds structurels aujourd’hui inutilisés”.

Le nouveau venu de l’UE s’est réjoui du fait que l’expression “pacte de croissance”, qu’il a défendue pendant sa campagne et qu’il veut ajouter au pacte de discipline budgétaire déjà signé par 25 Etats de l’UE, était maintenant reprise et “installée”. “J’ai également souhaité que soit inscrite la perspective des eurobonds qui serait l’étape supplémentaire de l’intégration” européenne, a-t-il déclaré.

“Dès lors qu’il y a une volonté de mettre en commun des politiques budgétaires, qu’il y a une politique monétaire conduite par la Banque centrale, il est légitime qu’il y ait des éléments nouveaux”, a ajouté François Hollande.

La chancelière allemande Angela Merkel a pour sa part redit sa position d’hostilité à cette forme de mutualisation de la dette des Etats, qui n’est pas à ses yeux une solution pour favoriser la croissance. “Il y a eu un débat varié au sujet des euro-obligations, mais très équilibré et avec différents points de vues”, a-t-elle rapporté à l’issue du sommet. “Plusieurs participants” ont exprimé des doutes sur l’efficacité de taux d’intérêts unifiés au niveau de la zone euro, a-t-elle jugé.

François Hollande a confirmé avoir “une autre conception” qu’Angela Merkel, qui “ne considère pas les eurobonds comme un élément de croissance mais comme une perspective lointaine d’intégration”. Selon lui, l’Allemagne considère que les euro-obligations seraient un “aboutissement”, et la France un “point de départ”.

François Hollande a précisé sa position sur ces euro-obligations, qu’il a assuré ne pas être seul à défendre, même s’il n’a pas fait le décompte des pays favorables ou hostiles. Selon le chef de l’Etat français, “cela peut être l’occasion de mutualiser non pas une dette passée mais une dette future, pour permettre à des Etats qui aujourd’hui empruntent à des taux d’intérêt de 6 % de pouvoir d’accéder plus facilement aux marchés”. Mais aussi de financer “des projets d’investissements qui seraient portés directement par l’Union, ce qui justifierait de modifier les traités, j’en conviens”, a-t-il ajouté. “Mutualiser les dettes passées n’est pas acceptable”, a-t-il insisté, semblant ainsi vouloir rassurer l’Allemagne.

Herman Van Rompuy, président de l’Union européenne, a confirmé que la question des euro-obligations avait été “abordée par plusieurs membres, dans un sens ou dans l’autre”. Mais “que les choses soient très claires : personne n’a demandé que cela se fasse du jour au lendemain. Peut-être cela se fera à l’issue d’un long processus, il faudra réfléchir aux implications légales”. Et d’évoquer un “projet de long terme”.

Eurobonds : la mise en commun des dettes, enjeu central du sommet européen

L’Allemagne avait répété, plus tôt dans la semaine, son opposition farouche au mécanisme des eurobonds qui, selon elle, renchérirait ses propres coûts de financement. “C’est notre position ferme et cela le sera aussi en juin”, quand les chefs d’État et de gouvernement formaliseront un certain nombre de décisions, a dit un porte-parole du gouvernement germanique.

Contrairement aux pays jugés risqués par les investisseurs, Berlin se finance actuellement à des taux très bas, le bund étant considéré comme un placement refuge. Le gouvernement allemand craint de perdre cet avantage, mais aussi d’encourager un relâchement de la discipline budgétaire si les dettes sont mises en commun. Selon le raisonnement allemand, les Etats dispendieux seraient moins enclins à assainir leurs comptes une fois à l’abri des marchés financiers.

Les véritables euro-obligations ne sont pas pour autant écartées définitivement. L’élection de François Hollande donne de l’espoir aux partisans de cette idée.

L’ancien Premier ministre belge Guy Verhofstadt, aujourd’hui chef des libéraux au Parlement européen, est l’un des plus ardents d’entre eux. Il a repris à son compte le projet d’un fonds de rédemption, avancé par un influent comité d’économistes allemands. Ce fonds permettrait de mettre en commun les dettes excédant le seuil européen de 60 % du PIB. D’après Guy Verhofstadt, il permettrait à tous les pays, y compris l’Allemagne, de réduire les coûts de financement, grâce à la “prime de liquidité” découlant d’un large marché.

D’autres options sont sur la table. Fin 2011, la Commission européenne a exposé plusieurs pistes dans une communication sur le sujet. Plusieurs degrés de mise en commun de la dette y sont exposés, dont l’un permettrait aux pays favorisés par les investisseurs de conserver leur avantage.

Trends.be, avec Belga

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