Euro 2012: quelles retombées pour la Pologne et l’Ukraine?

© Reuters

Les deux pays organisateurs du championnat d’Europe des nations de football vont bénéficier du renouvellement de leurs infrastructures et de la hausse des investissements. C’est surtout la Pologne qui devrait en profiter.

Après la Coupe du monde 1990 en Italie, remportée par l’Allemagne, le joueur anglais Gary Lineker avait déclaré: “le football est un jeu simple: 22 hommes courent après un ballon pendant 90 minutes et, à la fin, ce sont toujours les Allemands qui gagnent”. Aujourd’hui, alors que s’ouvre le 14ème Euro, la donne a changé: les gagnants s’appellent d’ores et déjà la Pologne et l’Ukraine. Les deux pays organisateurs devraient profiter de l’événement pour doper leur croissance.

L’étude “soccernomics” dédiée à cet Euro 2012 montre que le choix des pays organisateurs était également motivé par des objectifs économiques: quand, en 2007, l’UEFA a choisi la Pologne et l’Ukraine, c’était aussi pour relancer les investissements de ces deux grands pays émergents. Et, de fait, les infrastructures nouvelles, les efforts pour améliorer les conditions d’accueil et les retombées sur le tourisme sont autant de bonnes nouvelles pour les deux Etats.

La Pologne, grande bénéficiaire

Une étude du cabinet britannique Capital economics note que les investissements liés au championnat d’Europe se sont élevés à 25 milliards d’euros pour la Pologne, soit 1,3% du PIB. Les principaux efforts se sont concentrés sur les transports : 1000 km d’autoroutes, 2000 km de voies express et plus de 600 km de voies ferrées ont été construites ou modernisées. Les aéroports des quatre grandes villes accueillant la compétition (Varsovie, Gdansk, Poznan et Wroclaw) ont été agrandis. Et les transports en commun ont également été améliorés : 100 nouveaux bus, 193 tramways et 13 trains de banlieue uniquement pour l’Euro. C’est que l’organisation d’une compétition a des vertus accélératrices : il faut aller vite pour être prêt à temps, donc débloquer des investissements prévus de longue date. Résultat, la Pologne, peut se targuer d’être le seul pays de l’UE à ne pas avoir connu de récession en 2009, année noire du continent, et a enregistré une croissance de 4,3% en 2011.
Autre élément moteur : le tourisme. Près de 800 000 visiteurs sont attendus pendant la compétition, soit 10% du nombre de touristes venus en Pologne sur l’ensemble de l’année 2011. De plus, cela booste le moral des Polonais. Agnieska Paszkowski, chargée de l’activité franco-polonaise pour le cabinet d’audit RSM, juge que “c’est un pas important pour l’intégration de la Pologne dans l’UE. On oublie le cliché du “plombier polonais” et l’on montre de quoi notre pays est vraiment capable”. Cependant, elle minimise le gain économique à plus long terme, jugeant que le pays devrait empocher 6,3 milliards d’ici 2020, soit mois de 0,4% du PIB.

L’Ukraine moins favorisée

Au-delà de l’aspect économique, cet Euro est surtout l’occasion d’un coup de projecteur sur la situation politique dans cette ex-République soviétique. La condamnation de l’opposante Ioulia Tymochenko, toujours emprisonnée, a poussé les responsables politiques de la plupart des pays de l’UE au boycott des matches qui auront lieu en Ukraine. Ainsi, pour voir François Hollande assister à un match de la France, il faudrait que les Bleus, après avoir fini premiers de leur groupe, se qualifient pour la demi finale. Mariano Rajoy, Angela Merkel ou David Cameron en feront autant, et c’est donc sur le régime ukrainien que se focalisent les discussions aujourd’hui.

Mais au plan économique aussi, l’organisation de l’euro fut plus délicate que pour la Pologne. Le pays est en mauvaise posture sur le marché obligataire : les taux d’intérêt de sa dette dépassent les 10%. Et le FMI refuse d’accorder à Kiev un nouveau prêt. “L’Etat a pris en charge un fardeau de dettes supplémentaires et les contribuables vont payer pendant de nombreuses années à venir l’Euro 2012”, explique à l’agence Reuters Erik Nayman, économiste de Capital Times.

La croissance ukrainienne s’est cependant bien tenue en 2011, atteignant les 5,2%. Et les investissements liés au championnat d’Europe ont culminé à 11 milliards d’euros, soit 1,7% du PIB. Les autorités du pays placent également beaucoup d’espoir dans l’afflux de touristes, et attendent 1 million de personnes entre ce 8 juin et le 1er juillet, anticipant qu’ils consommeront au moins 800 euros chacun. Les analystes de la banque allemande Erste Bank tablent sur les mêmes chiffres, mais rajoutent un bémol: le prix des hôtels ukrainiens. “Ils sont très élevés, notamment parce qu’il y en a peu”, relèvent les économistes.

A l’inverse, un économiste doute de l’influence de l’organisation d’un tel événement. Pour Bastien Drut, auteur d’Economie du football professionnel (éd. La découverte, 2011), “il n’y aura pas de boom économique lié à l’Euro en Ukraine et en Pologne. On peut légitimement se demander ce que deviendront les hôtels 5 étoiles que l’UEFA a fait construire aux pays organisateurs.”

Il semble malgré tout que, contrairement aux Jeux olympiques de Londres qui, selon l’agence de notation Moody’s, “ne devraient pas stimuler de façon substantielle la croissance britannique”, l’organisation de l’Euro profitera à la Pologne et, dans une moindre mesure, à l’Ukraine.

Louis Amar, L’Expansion

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