Etats-Unis : “La fin de la note AAA serait surtout symbolique”

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S&P a baissé la perspective sur la note des Etats-Unis. Ce qui pourrait signifier la fin du AAA d’ici six mois à un an. Mais les conséquences seraient surtout symboliques, selon Norbert Gaillard, économiste et consultant auprès de la Banque mondiale. Décryptage.

L’abaissement de la perspective sur la note américaine est-elle méritée ?

Oui, et S&P aurait même pu le faire plus tôt. Le problème avec la crise budgétaire américaine, c’est le manque total de visibilité politique. Les services publics étaient au bord du blocage il y a dix jours, faute d’accord budgétaire pour l’exercice 2011. Et ce n’est pas fini : il faut encore que les républicains et les démocrates se mettent d’accord d’ici un mois sur le relèvement du plafond de la dette. Bref, on ne sait pas où on va.

A cet égard, le contraste avec la Grande Bretagne est frappant. S&P avait abaissé la perspective du Royaume-Uni il y a près de deux ans. Un an et demi plus tard, la note a été remontée à “stable”, alors que la situation reste inquiétante. Pourquoi ? Parce que David Cameron a envoyé un signal très fort aux marchés sur sa volonté de réduire le déficit et de couper les dépenses avec un plan d’austérité drastique. La politique américaine est beaucoup plus laxiste depuis les années 60. Les Américains considèrent qu’en tant que première puissance mondiale dotée de la principale monnaie internationale, ils peuvent se permettre moins d’orthodoxie….

Est-il probable que la note baisse ?

Quand la perspective est négative, il y a deux issues possibles : soit la note est dégradée, soit la note est confirmée et la perspective redevient stable. On constate que généralement, une fois la perspective abaissée à “négative”, cela prend en moyenne 6 mois pour que la note soit dégradée. Une fois passé ce délai, il est probable que la note soit confirmée, six mois ou un an après.

Ce qui signifie que tout se joue dans les six premiers mois, même si en pratique, on peut imaginer que pour un pays au statut aussi particulier que les Etats-Unis, S&P attende un an avant de décider d’abaisser la note. Il est probable que la note soit alors dégradée car les démocrates et les républicains semblent incapables d’arriver à un accord sur des vraies mesures de moyen terme pour réduire le déficit. D’autant plus que l’on va bientôt entrer dans la période préélectorale. Obama ne peut accepter des coupes importantes dans des programmes sociaux sans se mettre à dos sa base électorale.

Quelle serait la conséquence d’une dégradation pour les Etats-Unis ?

En réalité, il n’y aurait pas vraiment d’impact sur la capacité des Américains à se financer. Les Etats-Unis ont d’autres ressources, que ce soit leur politique monétaire ou leur liens avec les milieux d’affaires. Ce serait surtout un symbole énorme. Le rating des Etats-Unis a toujours été le benchmark, l’idéal de crédibilité au niveau mondial !

Les autres triple A sont ils menacés aussi ?

Les autres Etats dotés du triple A qui sont menacés sont ceux qui n’ont pas encore fait la réforme de l’Etat providence, à savoir l’Autriche, qui en plus a des problèmes avec son secteur bancaire et la France. Comme aux Etats-Unis, le timing en France n’est pas favorable à de vraies mesures de rigueur puisqu’on entre aussi dans une période pré-électorale. La Suède, la Finlande et le Canada ont fait leur réforme au début des années 90, l’Allemagne l’a fait au début des années 2000 sous Schröder et aujourd’hui le Royaume-Uni s’occupe de la sienne.

Laura Raim, L’Expansion.com

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