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‘Est-ce comme cela que l’Europe viendra à bout du terrorisme ?’

Quelques jours seulement après les terribles attentats parisiens, l’émotion faisait place à une autre réaction malheureusement tout aussi humaine: la recherche active d’un bouc émissaire.

Et pas seulement en France, où les critiques sur la gestion de “l’après Charlie Hebdo” ont rapidement fusé : promesses non tenues par le gouvernement, manquements dans la surveillance des imams radicaux et des Français revenus de Syrie, diplomatie peu clairvoyante dans le combat militaire contre Daesh, entre autres.

En Allemagne, les opposants à Angela Merkel, y compris ceux de sa propre coalition, se sont engouffrés dans la brèche ouverte à Paris pour fustiger de plus belle sa politique migratoire, déjà fortement décriée.

Et chez nous, face au lynchage en règle de la presse internationale qui pointe Molenbeek comme l’antichambre du djihad, le ridicule atteint des sommets. Pointé du doigt, l’ancien bourgmestre de Molenbeek et ex-ministre de l’Intérieur, Philippe Moureaux (PS), déclare platement que “cela n’est jamais arrivé quand il était bourgmestre”, et enchaîne en fustigeant ses successeurs ainsi que les services de renseignements. Françoise Schepmans (MR), actuelle bourgmestre de Molenbeek, n’a pas tardé à lui répondre, se targuant d’être au-dessus du petit jeu des accusations tout en incriminant “le soi-disant laboratoire socio-multiculturel de Philippe Moureaux”. Classe.

Pendant que l’EI nous envoie ses funestes émissaires, nous nous abaissons à chercher dans nos propres rangs des boucs émissaires

Pendant que l’Etat islamique nous envoie ses funestes émissaires, nous nous abaissons donc à chercher dans nos propres rangs des boucs émissaires. Fermer ses frontières et régler ses comptes entre politicards, est-ce comme cela que l’Europe viendra à bout du terrorisme ?

Pour autant, la réponse à envoyer aux commanditaires de ces atrocités est loin d’être évidente. Certes, on aimerait pouvoir prévenir, jurer que cela n’arrivera plus. Mais personne n’est dupe. La menace persistera même en relevant le niveau de sécurité à un seuil jamais égalé — ce qui induit la restriction de libertés que nous voulons précisément défendre, des plus anodines (organiser un match de foot) aux plus fondamentales (la double nationalité, une prérogative que le président François Hollande veut ôter aux Français qui seraient condamnés pour atteinte aux valeurs de la République). Et à force de repli, le risque est de se retrouver encerclé.

Plutôt que de s’attaquer aux symptômes de ce mal qui ronge une partie de la planète, nous n’avons pas d’autre choix que d’en éradiquer la cause, par tous les moyens possibles : en empêchant la prolifération des mosquées et écoles coraniques au message radical, en instaurant de vastes programmes d’éducation à la tolérance, en coupant les robinets du financement de Daesh, en mettant à contribution les grands acteurs du numérique afin d’enrayer la propagande et la communication organisées par cette voie, et, enfin seulement, en attaquant l’ennemi de front, et en front commun s’il vous plaît. Car la guerre dont on parle aujourd’hui n’est pas une affaire de pays ni de clans , elle est davantage idéologique : il s’agit de faire gagner un “système” basé sur des principes démocratiques, avec ses normes économiques, commerciales, politiques et des valeurs empreintes de liberté. Tout qui souhaite faire partie de ce système est impliqué.

“En toute chose il faut considérer la fin”, dit Jean de la Fontaine dans sa fable Le Renard et le Bouc. Or, depuis le 11 septembre 2001, force est de constater que nous — l’Occident dans son ensemble — avons davantage privilégié les moyens. Mettons donc tout en oeuvre pour que la fin soit en notre faveur. S’il doit y avoir un renard et un bouc, assurons-nous d’être le premier.

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